
CHAPITRE III.
LES NEFOUD ET LE DJEBE L SHOMER.
Per correr miglior acqua alza le vele
Ornai la navicella del mio ingegno,
Che lascia dietro a se mar si crudele.
(Dante.)
Les Nefoud. — Description générale du désert. — Conduite des Bédouins
de notre caravane. — Les Aalam-es-Saad. — Histoire d’Oneyzah. —
Premier aspect du Djebel Djobbah. — Cavaliers du Shomer. — Djob-
bab et ses environs. — Second Nefoud. — Le Djebel Shomer. —
Kenah, Lakitah et Woseytah. — Signification du mot « Nedjed. » —
Vue d’Hayel. — Le palais. — Le* peuple et les courtisans. — Le chambellan
Seyf. — Rencontre inattendue. — L’arsenal et le khawah du roi.
— Prisonniers d’État. — Télal et sa suite. — Abdel Mahsin. — Histoire
du Shomer. — Ses premiers habitants. — Sa situation politique sous
le règne des califes. — La province tombe dans l’anarchie. — Abdallah-
ebn-Raschid. — Ses aventures. — Il s’attache à la fortune de Turki-
ebn-Saoud. — Expédition contre Hasa. — Fondation de la nouvelle
dynastie shomérite, — Règne d’Abdallah. — Ses guerres et ses conquêtes.
— Il construit le palais d’Hayel. — Son fils Télal lui succède.
— Politique de ce prince. — Ses relations avec le Nedjed, la Porte
ottomane, l’Égypte et la Perse. — Grandes qualités de Télal. — Audiences
données aux chefs Shérarat.
Les dangereux passages appelés par les Arabes Nefoud ou
Filles du grand Désert, n’ont que trop de titre s à cette sinistre
parenté. D’autres voyageurs ayant décrit le u r étendue et le u r
situation, je n’en tre ra i pas ici dans de minutieux détails
géographiques. Il me suffira de dire que ce sont des bras du
vaste océan arénacé qui couvre un tiers de la Péninsule, fait
de fréquentes irruptions au milieu fertile du plateau cen tral,
e t le coupe parfois presque entièrement. Leur caractère gén
é ra l, dont les pages suivantes pourront donner une idée
assez exacte, est le même que celui du Dahna ou g ran d Désert
du Sud. Les Arabes, toujours enclins à particula riser, comptent
ces Nefoud par vingtaines; mais le nombre p e u t'e n être
réduit à quatre, dont deux au moins, et souvent trois, doivent
être traversés p ar les voyageurs qui, venant de l’Ouest, se re n dent
dans les provinces orientales.
L’Arabie offre au centre un large plateau, entouré comme
d ’une ceinture de déserts sablonneux à l’est et au sud, pierreux
au nord seulement. Ce cercle gigantesque est à son to u r
bordé p a r des chaînes de montagnes basses e t arides pour la
plupart, mais q u i, dans l’Yémen e t l’Oman, acquièrent une
hau teu r et une fécondité remarquables. Le plateau central,
limité p ar les sinuosités du Nefoud, occupe à peu près la moitié
de la Péninsule. Si, à ces hautes te rre s ou Nedjed, pour
prendre ce nom dans son acception la plus la rg e , nous ajoutons
le Djowf, le Tayif, le Djebel Asir, l’Yémen, l ’Oman, la
province d’Hasa, en un m o t, to u te s les régions f e rtile s ,
nous trouverons que les deux tiers au moins de l’Arabie sont
propres à la culture, et qu’u n tiers seulement est voué à une
irrémédiable stérilité. Les espaces vides laissés su r les cartes
indiquent aussi souvent les provinces inconnues des géographes,
que les p arties non habitées du pays. Mais avant d’atteindre un
sol plus hospitalier, il nous faut parcourir encore le sombre e t
morne désert; toutefois, encouragés p a r la pensée des jo u rs
meilleurs qui doivent suivre, nous entrons hard im en t dans le
Nefoud.
Les Bédouins nous en avaient parlé plus d’une fois, le r e présentant
comme une région terrible et impraticable; nous
nous attendions à beaucoup de souffrances e t de fatigues; la
réalité laissa bien loin derrière elle tout ce que nous avions
imaginé.
Devant nous s’étendait une plaine immense, dont le sable
rouge était amoncelé en monticules hauts de deux à tro is cents
pieds, qui couraient parallèlement du nord au sud ; leu rs versants
obliques, leurs sommets arrondis, profondément sillonnés
en tous sens, a ttestaien t la violence des tempêtes du désert.
Le voyageur est comme emprisonné dans un abîme de sable ;