
Aleyan atteignirent la résidence d’Abdallah. Le prince, à la
tête d’une troupe de cavaliers, les attendait devant le palais. En
apercevant Oley, il tourna bride précipitamment et rentra sans
attendre le salut de ses hôtes. Ceux-ci le suivirent; mais Abdallah
s’était déjà retiré au fond de sa demeure, les laissant dans
la cour où se trouvait réunie une troupe de soldats nedjéens, le
sabre au poing. Les portes se refermèrent aussitôt et la boucherie
commença.
Tous les Aleyan furent impitoyablement massacrés; leur sang
baigna le seuil de l’hôte perfide. Le plus jeune fils du malheureux
chef fut seul épargné pour servir au besoin d’otage.
Sans perdre un moment, Abdallah partit avec sa bande d’assassins
pour le Kasim, et les traîtres arrivèrent presque aussi
rapidement que la nouvelle de leur trahison. Il fondit aussitôt
sur la ville de Bereydah, où régnaient la confusion et la terreur ;
tous les membres de la famille Aleyan dont il. put s emparer
périrent sous le glaive. Quelques-uns cependant, parmi lesquels
se trouvait Abdel-Mashin, parvinrent à s’échapper, bien que
leurs têtes fussent mises à prix. Privés de leurs chefs, les habitants
se soumirent après une courte lutte; un Wahabite nommé
Mohanna fut nommé gouverneur de Bereydah, en qualité de
vice-roi de Feysul, et investi d’un pouvoir absolu. Quand toute
résistance eût été brisée, Abdallah envoya au supplice le dernier
des fils d’Oley, qu’il avait jusqu’alors retenu prisonnier;
puis mettant à profit la consternation répandue dans lu Kasim,
il tenta de frapper un coup décisif sur Oneyzah.
Cette ville riche et populeuse était depuis plusieurs siècles la
capitale de la province, et même de toute l’Arabie septentrionale.
Son commerce avec la Mecque etMédine, avec.le Nedjed,
Damas et Bagdad en faisait l’une des cités les plus florissantes
de la Péninsule; ses hardis marchands avaient établi dévastés
entrepôts sur les rives de la mer Rouge, du golfe Persique, ju sque
dans la valléa-de l’Euphrate, etl’esprit guerrier de ses habitants
excitait la crainte en même temps que le respect. Oneyzah
s’enorgueillissait de sa double enceinte de fortifications, des
épaisses murailles de briques qui la rendaient non moins inaccessible
aux armées arabes qu’Anvers ou Badajoz aux troupes
européennes. Ses remparts extérieurs, protégés par des tranchées
et des tourelles, s’étendaient autour des jardins,, et des
boulevards intérieurs défendaient la masse des habitations. Elle
obéissait-à un chef jeune et courageux, nommé Zamil, ou plus
familièrement Zoweymil-el-Ateyah, qui se faisait adorer de ses
compatriotes par sa douceur et sa libéralité en temps de paix,
son énergie et son courage en temps: de guerre. Aussi tous les
hommes en état die'porter les armes répondirent-ils k son appel,
et il se vit bientôt à la tête d’une armée de dix ou douze
mille soldats, composée en partie d’habitants de la ville, en
partie de Bédouins: appartenant aux puissantes tribus des Harb
et des Oteybah.
Abdallah tenta de prendre la place d’assaut, mais il fut re poussé.
Il envoya aussitôt un messager à son père Feysul, qui
réunit à la hâte toutes- les forces du Nedjed, et marcha sur
Oneyzah-,. espérant s-en rendre maître avant que Zamil eût intéressé
à sa cause la province entière. Le jeune chef l’avait devancé
; les Kasimites se levaient en masse pour défendre leur
capitale, et Abdel-Mottalib lui-même,, le shérif de la Mecque,
jugeant que la ville sainte serait en grand péril si on laissait
tomber aux mains des: Wahabites la seule barrière qui mît
obstacle à leur ambition, s’était rendu en personne, à la tête de
ses troupes-, sur le théâtre de la guerre. Il proposa sa médiation,
que Feysul se vit contraint d’accepter, car en s’emparant
d’Oneyzah malgré- l’intervention du shérif, il eut a ttiré su r sa
tête le courroux de la Porte Ottomane,, et se: fût exposé peut-être
aux désastres qui avaient amené la chute de son grand-père. Il
abandonna sa proie, non sans regret, accepta la pacification imposée
par le gouvernement de la Mecque, et se retira dans ses
montagnes, tandis qu’Abdel-Mottalib, après avoir obtenu la promesse
formelle que les armes du Nedjed n’attenteraient plus à
la liberté du Kasim, reprenait la route de l’Hedjaz.
Six ou sept ans se passèrent sans que Feysul osât violer ouvertement
les termes du traité ; mais il n’avait pas renoncé à son
dessein, il prenait dans l’ombre les dispositions propres à enas-
surer lè succès, et attendait patiemment une occasion favorable.
Il soumit Successivement les tribus nomades qui fournissaient
leur contingent à l’armée de Zamil, agrandit le pouvoir de Mohanna,
étendit peu à peu sa juridiction sur la plus grande partie
du Kasim, de manière à isoler Oneyzah, à ruiner son commerce,
à la priver de tout secours en cas de guerre. La crainte