
de Jap h e t, et auquel les races sémitiques n’auront jamais part.
Ma propre expérience — si toutefois mon court séjour dans la
Péninsule me donne le droit d’employer ce terme, — me conduirait
à une conclusion bien différente ; je crois que les Arabes,
pris individuellement, sont doués d’aptitudes remarquables et
qu’on pourrait trouver parmi eux, comme parmi les habitants
de Sheffield et de Birmingham, des ingénieurs capables de tracer
des chemins de fer, de construire des machines et des bateaux
à vapeur. L’absence de communications avec d’autres
États, avec ceux surtout qui étaient les foyers de l’activité
commerciale, l’énervement produit par le mahométisme qui
paralyse tout ce qu’il ne tue p a s , ont entravé leurs progrès,
et ils se sont laissé dépasser par des peuples moins bien doués
peut-être, mais placés dans des circonstances plus favorables.
C’est seulement quand la Mecque et le Coran auront disparu de
la Péninsule, que l’on pourra espérer avec quelque raison voir
ce pays atteindre le degré de prospérité auquel il serait arrivé
depuis longtemps sans la funeste influence de Mahomet, et de
son livre.
J’ignore jusqu’à quel point ces réflexions -sont applicables aux
Turcs et aux Persans. Les premiers n’ont guère paru sur la
scène du monde que pour renverser et détruire, leur souffle
mortel a éteint le flambeau des arts et de la littérature ; quant
aux seconds, ils sont aujourd’hui si profondément dégradés et
corrompus q u e, ni l’influence d’une religion plus pure , ni l’action
d’un meilleur système politique ne seraient, je le crains, capables
de les sauver. Ils ont joué sans doute un rôle considérable
en Orient, mais ils se sont servi de leur prépondérance
pour fausser les esprits, pervertir les moeurs, affaiblir le goût
du beau et du vrai. La race arabe, aux jours de sa prospérité,
offrait au monde un spectacle bien différent; si elle n’a pas réalisé
ses brillantes promesses, il faut en chercher la cause dans
les liens qui l’attachaient à la Tartarie et à la Perse, et pardessus
tout dans le principe morbide que renferme le mahométisme.
Les Wahabites sont heureusement en minorité dans le
Djebel Shomer et des autres parties de l’Arabie centrale, où le
voyageur n ’a pas les oreilles sans cesse rabattues des pieuses
maximes au moyen desquelles les bons Musulmans justifient leur
indolence, entravent l’esprit de recherche et de progrès. Au lieu
des formules orthodoxes : « Il n ’y a d’autre Dieu que Dieu,»
« Tout arrive selon le bon plaisir de Dieu,» * La force et le pouvoir
appartiennent à Dieu seul, » on entend des phrases comme
celles-ci : « Il est impossible de nier l’existence des causes secondes,
» « Chaqueévénement a sa cause particulière.» Ces opinions
hérétiques sont répandues surtout parmi les Arabes qui ont
souffert, comme Doheym, de la tyranie wahabite. « Allah dévore
nos biens et notre liberté, » disent-ils parfois; et le mahométisme
ne leur étant connu que par les farouches apôtres du
Nedjed, leur révolte contre Mohammed, ou Mahomet, fils
d’Abdel-Wahab, pourrait bien s’attaquer aussi à l ’autorité plus
puissante encore de Mahomet, f is d’Allah, prophète de la
Mecque. Cette allégation, qui peut-être semble assez invraisemblable,
sera plus tard pleinement confirmée parles faits.
Un ouvrage dans lequel les aventures personnelles du voyageur
se mêlent à chaque page avec ses réflexions sur l’état religieux
et politique du pays, doit renfermer, on le comprend
sans peine, bien des jugements q u i, à première vue, paraissent
excessifs et inconsidérés. Mais quand le lecteur aura parcouru
avec moi le centre de la Péninsule, les événements qu’il verra
s’accomplir sous ses yeux lui montreront la justesse des appréciations
dont il s’étonnait d’abord. Cette relation est une oeuvre
où tout s’enchaîne et se lie , un fragment isolé ne saurait en
donner une idée exacte; je n’avance jamais une observation sans
1 appuyer sur les preuves les plus évidentes, quoique souvent
je n’aie occasion de les développer qu’après un intervalle de plusieurs
pages ou même de plusieurs chapitres. A la vérité, je ne
cherche pas à justifier aussi complètement mes opinions quand
il s’agit de races étrangères à l’Arabie, car si j ’entrais à ce sujet
dans de longs développements, mon livre, au lieu d’être un
simple récit de voyage, deviendrait une véritable encyclopédie.
Cependant une heure s’était passée au milieu d’une conversation
vive et intéressante; après avoir prescrit les remèdes
qu’il fallait administrer, je me levai pour prendre congé de mes
hôtes. Le frère aîné de Doheym, Soeyd, offrit alors de me conduire
dans quelques habitions voisines où, disait-il, mes soins
étaient nécessaires et seraient bien récompensés.
Cette partie de la ville se compose de maisons disposées par