
la forme d’une étoile, fait place en ju in à une baie dont la couleur
et le goût rappellent notre groseille rouge; elle lui est.
cependant inférieure, car l’absence d’acidité la rend assez fade.
Les Bédouins s’en montrent très-friands ; souvent aussi, ils la
m e ttent cuire avec u n peu d’e a u , et en extraient une sorte de
mélasse qu’ils trouvent délicieuse, mais qu’eux seuls sont capables
d’apprécier. Ces fruits, joints au samh dont nous venons de-
parler, au lait de chamelle, et, dans les jo u rs de fête, à u n peu
de viande, composent toute la liste de leurs mets.
On ne p o u rra it trouver dans la trib u entière des Sherarat une
seule cafetière ou une seule livre de café. Il n’en est pas de
même chez les Bédouins Syro-Arabes, qui, grâce au voisinage
des villes, à la possession de nombreux troupeaux, jouissent
d’une certaine richesse, encore augmentée p a r le pillage des
hameaux isolés, des caravanes de pèlerins que le gouvernement
turc, si faible, si nul pour le bien, est impuissant à protéger.
Dans l ’Arabie proprement dite, les bestiaux sont la propriété
exclusive de l ’habitant des villes e t des villages, qui, assez forts
pour se défendre eux-mêmes, peuvent encore compter sur
l’appui d’un souverain énergique, dont la verge de fer impose la
crainte aux Bédouins e t les réduit à leur é tat normal de conducte
u rs de chameaux. Mais si les nomades perdent à ce système,
la te rre y gagne grandement; la richesse, la sécurité du commerce
et de l’agriculture forment des avantages qui doivent,
j ’imagine, l ’emporter su r la liberté sauvage et pleine de licence
des clans du désert syrien.
Cependant ces te rres mêmes de la Syrie méridionale, si complètement
dévastées aujourd’hui, ont été jadis, sous u n gouvernement
m e illeu r, fécondes et couvertes d’une population in dustrieuse,
comme l’attestent les ruines éparses au milieu de
leurs solitudes désolées; les traces de puits nombreux, ensevèlis
ma intenant sous le sable e t les pierres, montrent que l’eau é ta it
abondante e t le sol cultivé.
Mais cette prospérité ne s’obtient qu’au prix d efforts persévérants,
et le Bédouin, que la mauvaise administration de la
Porte Ottomane a fait maître du pays, est ennemi du travail. Ce
qu’il demande, ce sont des pâturages pour ses chameaux ; moins
l’agriculture enlève d’espace au désert, plus il se croit riche,
plus il est satisfait. Aussi refuse-t-il obstinément de rien faire
pour améliorer son propre territoire, et voit-il, dans toute tentative
de défrichement, une atteinte à ses droits. Il est l’ennemi
naturel des gouvernements, des villages, des la b o u re u rs , non-
seulement par amour du pillage, mais par système, comme ce
chien d’un conte populaire qui se couchait dans l’auge et empêchait
les bestiaux d’approcher, car s’il ne pouvait manger
lui-même la paille, il en avait besoin pour s’étendre.
La force militaire des Sherarat est p eu considérable ; ils sont
trop disséminés pour agir en commun, tro p pauvres pour se procurer
des armes; de lourds mousquets, de vieilles lances, voilà
ce qui compose tout leu r arsenal.
L’Arabie centrale renferme des tribus plus riches, plus puissantes,
mieux organisées; telles sont celles des Shomer, au sud
du Djowf, des Meteyr et des Oteybah dans le Nedjed, des
Adjman et des Benou-Khalid à l’Orient. Mais toutes ensemble
ne forment pas un sixième de la population totale, s ’il faut en
juge r par les statistiques que j ’ai consultées dans différentes
villes de la Péninsule; en cas de guerre entre les habitants
des villes, elles viennent appuyer l’une ou l ’autre des parties
belligérantes, jamais elles n’entreprennent aucune expédition
pour leur propre compte. Le gouvernement wahabite, p a r des
coups successifs, « a brisé le u r aiguillon » pour employer une
expression a rab e ; et les nomades du cen tre, quoique moins
pauvres, moins barba re s que les Sherarat, sont plus complètement
sous la dépendance des princes e t n’osent tir e r l ’épée sans
leur permission.
Un jo u r de repos nous avait mis en état de continuer le matin
suivant, notre marche au milieu des buissons et des monticules
de sable qui couvrent la vallée; nous suivions les contours sinueux
de cette oasis de verdure qui, semblable à u n large fleuve,
s’avance dans la direction du sud en formant mille méandres
capricieux. P a rto u t nous rencontrions de nombreux campements
de Bédouins, près desquels nous nous arrêtions p o u r prendre
nos repas et vendre quelques marchandises, afin de m a in ten ir
notre caractère de trafiquants. Aucune aventure digne d ’être
racontée ne nous a rriv a , et cependant, cette partie de notre
voyage fut loin d’être monotone, grâce au spectacle am u san t
que nous donnaient parfois, sans le savoir, nos compagnons e t
nos hôtes. Ils nous décrivaient les scènes de le u r vie e rran te ,