
nous choisir un guide. Le gouverneur habitait l’ancien palais
de la ville, situé au nord-est, à peu de distance des remparts.
Cet édifice, qui couvre une superficie considérable, est moins
un château qu’un amas de bâtiments peu élevés, disposés sans
ordre et sans symétrie. Quelques parties attestent une certaine
antiquité; on ne saurait préciser toutefois au juste la date de
leur construction, le style arabe n’ayant pas, comme le nôtre,
changé avec les siècles. Les monuments de la Péninsule, massifs,
disgracieux, n ’empruntent qu’à leurs dimensions gigantesques
le caractère imposant qui frappe le voyageur ; les frises,
les chapiteaux, les moulures, ces éléments essentiels de la
beauté architectonique, font complètement défaut ou existent
seulement à l’état rudimentaire. Les matériaux qui composent
un édifice sont presque les seuls témoins qui révèlent l’époque
où il a été élevé. La pierre, employée d’abord brute ou grossièrement
taillée, fut plus tard mélangée avec la brique, et
enfin, à l’époque des Wahabites, remplacée par la brique seule.
Le château de Djowf et la tour Marid appartiennent à la p remière
de ces périodes ; beaucoup d’édifices de Bereydah et
d’Eyoun se rattachent à la seconde; et enfin les constructions
de Dereyah et de Riad à la troisième. Les bâtiments en pierre
qui datent de la plus haute antiquité et ont été en usage jusqu’à
l’hégire, ceux de brique et de pierre, caractérisent les deux siècles
suivants. Mais dans l’est et dans le sud du Nedjed, nous
.aurons occasion de voir de nouveaux éléments architectoniques,
de nouveaux styles, de nouveaux progrès, qui exigeront quelques
explications spéciales. Dans le palais de Mohanna, une
partie des bâtiments est de date récente ou incertaine, mais l’ensemble
paraît dû plutôt au hasard qu’à un dessein arrêté; quelques
murs sont en pierre, d’autres en brique; une couche de
plâtre recouvre quelques parties, le reste est nu. Le bâtiment
central, remarquable par sa solidité, pourrait soutenir un
siège; cependant il ne s’élève pas à plus de trente-cinq pieds
et l’on n’y voit aucune tour; celle qui avoisine le mur de la
ville né se relie pas au château. Une haute porte extérieure
conduit dans la première enceinte, cour rectangulaire formée
par des magasins, par les logements des chameliers et ceux des
serviteurs du palais; une petite porte massive donne accès au
pavillon qu’habite le gouverneur.
Au moment de notre arrivée, Mohanna était sorli; il avait
quitté sa demeure dès l’aube afin de se rendre aux tentes des
pèlerins dans le but d’extorquer à Tadj-Djehan une somme de
près de quinze mille francs, outre les vingt-cinq mille qu’il
avait déjà arrachés, à elle et à ses compagnons d’infortune.
Cette négociation absorbait toutes ses pensées ; quant à la
guerre, il en laissait principalement le soin au plus jeune des
fils de Feysul, dont nous visiterons bientôt le camp. Après avoir
attendu quelque temps à la porte avec d’autres visiteurs, nous
vîmes arriver le digne Nedjéen qui causait d’une manière très-
animée avec ses satellites. Répondant par un léger signe aux
saluts des assistants, il entra dans le khawah, où nous le suivîmes
mêlés à la foule.
Après un court échange de questions et de réponses,
Mohanna ne fit plus attention à nous. Il avait d autres préoccupations,
et la simplicité de notre costume n’annonçait pas
des personnages assez riches et assez puissants pour être des
amis utiles ou une proie avantageuse. Le café fut servi à la
ronde suivant l’usage; aussitôt après ie gouverneur se leva, et
partit pour vaquer à « sa grande affaire, » laissant ses hôtes
deviser sur la nature de ses occupations et les nouvelles du
jour. Une telle indifférence de la part de celui dont nous attendions
de l’aide, nous causait alors un certain dépit, tandis
qu’en réalité nous aurions dû nous en féliciter comme d’une
protection providentielle. Car si nous avions éveillé la convoitise
de Mohanna, — ce qui en temps ordinaire eût été inévitable,
— il est peu probable que nous fussions jamais arrivés
à Riad. Nous n’avions plus qu’à retourner à notre demeure,
en compagnie de quelques respectables habitants, _ dont la
conversation nous amena bientôt à reconnaître que le dédain
de Mohanna avait été pour nous une faveur insigne.
Cependant la principale difficulté restait à résoudre. Tous
nos efforts pour trouver des guides avaient échoué; depuis
trois jours nous adressions questions sur questions, nous parcourions
les rues, nous frappions aux portes, nous interrogions
nomades et citadins, c’était peine perdue. A la fin nous finîmes
par voir notre situation sous son vrai jour, et deviner la nature
des obstacles que nous rencontrions.
Le Nedjed central, patrie des purs Wahabites, inspire géné