
habituelle lui étant revenue, il donna ordre à ses hommes d’a vancer.
La lutte du ra ju sq u ’au coucher du soleil ; Moseylemah
tomba en combattant l’épée à la main, et avec lui périrent une
multitude de guerriers du Nedjed ; les vainqueurs ne perdirent
pas moins de quatre cents sahhabah ou compagnons personnels
du Prophète, sans compter un nombre beaucoup plus considérable
de simples soldats. On eut grand’peine à retrouver le corps
de Moseylemah, au milieu des monceaux de cadavres ; Khalid
donna l’ordre de couper la tête du prophète mal inspiré, e t de
l’exposer au bout d’une pique à la vue de tous, afin qu’amis et
ennemis ne conservassent aucun doute sur sa mort. Il marcha
ensuite sur Riad, qui était alors ce qu’elle est redevenue depuis,
la capitale du Nedjed ; le conquérant avait résolu de massacrer
sans pitié toute la population de cette ville, pour la punir d avoir
donné naissance à Moseylemah ; mais les habitants, qui connaissaient
sa férocité, e t n’ignoraient pas combien il avait acheté
chèrement la victoire, eurent recours à un ingénieux stra ta gème.
Tout ce que l’arsenal de Riad renfermait encore de lances
et d’épées fut mis aux mains des femmes et des enfants ; puis on
posta cette faible multitude, dans son équipement martial, le
long des remparts de la cité.
Lorsque Khalid se présenta aux portes de Riad, il vit briller
l’acier dans les créneaux et les tourelles ; les lueurs incertaines
du matin lui montrèrent les glaives que brandissaient une foule
de combattants. Surpris de voir aussi bien gardée une ville qu’il
comptait trouver sans défense, Khalid redouta pour son armée
affaiblie les périls d’un long siège; il en tra en négociations avec
les Nedjéens, qui accueillirent ses ouvertures par une indifférence
habilement simulée; leurs pertes étaient légères, disaient-
ils, comparées aux forces qu ils pouvaient mettre en campagne.
Bref, ils obtinrent que leur vie et leur liberté fussent respectées,
leu r autonomie maintenue, et cela sous une seule condition :
le u r soumission à l’islamisme. Khalid ne sut combien Riad aurait
été pour ses troupes une proie facile, que quand il lui fut impossible
de rétracter sa parole. Cependant la secte fondée p a r Moseylemah
avait reçu un coup morte l, le mahométisme était
devenu la religion officielle, du pays, et ceux qui refusèrent
d’abandonner la cause vaincue se re tirè re n t dans 1 Hasa, où ils
se joignirent à d’autres mécontents pour préparer de loin la faetion
carmathienne. La mémoire de Moseylemah fut vouée à
l’infamie; sa vallée natale, pour faire oublier qu’elle avait un
jo u r écouté sa parole, p rit le nom de Wadi-Hanifah (vallée de
l’orthodoxie). Cependant la sympathie nationale adoucit, même
parmi les Wahabites, l’a rd eu r de la haine religieuse, et le nom
de Moseylemah n’est jamais prononcé par ses compatriotes sans
un mélange de compassion et de regret. « Mahomet et Moseylemah
méritaient tous deux le titre de prophète, me dit un jo u r un
honnête citoyen de Riad, mais le chef de la Mecque était né sous
une meilleure étoile. »
Mes belles lectrices sont peut-être impatientes de savoir quel
sort fut réservé à Shedjah, autrefois l’épouse de Moseylemah, et
maintenant sa veuve inconsolable. Je suis heureux de le u r a p prendre
que la prophétesse de l’Yémen montra, — quelle femme
ne possède cet art ? —non m oins d’habileté pour sortir d’embarras
qu’elle n’avait mis d’empressement à se je te r dans les difficultés.
Elle sécha ses larmes, abjura la mémoire de son prophète et seigneur,
devint une dévote musulmane, et, pour effacer l’opprobre
d’une alliance hérétique, épousa un fidèle croyant. Agissant ainsi
au rebours de celui qui aimait avec trop de passion pour conserver
du calme et de la prudence, elle mérita l’admiration de
son sexe autant qu’Othello la sympathie du sien.
Abou-Eysa et nos compagnons nedjéens charmaient par ces
récits la longueur de la matinée. Nous avions dépassé les plantations
de Rowdah et traversé la vallée solitaire qui fut autrefois
baignée du sang le plus généreux de l’Arabie; nous entrions
maintenant dans un défilé qui conduisait aux principales places
fortes du pays ; le soleil, éclairant les rocs brisés, les broussailles
épaisses qui s’étageaient su r la pente des précipices, p e rmettait
de mesurer la sombre profondeur; des compagnies de perdrix
s’en volaient à notre approche, des daims effrayés s’enfuyaient
en bondissant ; parfois un nuage de poussière annonçait au loin le
passage d’une bande de paysans ou d’une troupe de cavaliers;
de distance en distance, la muraille de rochers qui s’élevait à
droite et à gauche du chemin, se déchirait p o u r nous laisser
apercevoir des jardins et des hameaux. Telle était la vue qui
s’offrit à nous ju sq u ’au moment où, vers midi, nous atteignîmes
le petit village de Malka (Jonction).
Ce nom lui vient de ce qu’il est situé dans un endroit où la