
Wadi, se divisant en forme d’Y, envoiel’une de ses branches au
sud, vers Dereyah, l’autre au sud-est, dans la direction de
Riad. A la bifurcation de la vallée s’élève ce q u e , dans l’Inde,
on appellerait un bungalow, en Syrie un khan, c’est-à-dire une
maison entourée d’un vaste ja rd in , et destinée à recevoir les
voyageurs. Celle-ci é ta it la propriété particulière d’Abdallah,
fils aîné de Feysul. Le feuillage des figuiers et des c itro n n iers,
s’élevant au-dessus des murailles du bosquet, ombrageait la
route et invitait au repos. Nous passâmes les heures de la sieste
moitié dans l’habitation, moitié dans le verger, pendant que le
Naïb profitait de ce moment de loisir pour couvrir d’une nouvelle
couche de henné sa barbe et ses moustaches, dont l’indiscrète
croissance menaçait de tra h ir la jeunesse artificielle des
extrémités. Il se flattait d’obtenir bientôt une audience du monarque
wahabite et voulait rehausser son importance diplomatique
du prestige des avantages personnels. Espoir trompeur !
Vaine tentative !
Abou-Eysa avait formé le projet de nous faire en tre r à Riad le
jo u r même. Mais h u it bonnes lieues séparent Malka de la capitale
du Nedjed, et quand Mohammed-Ali eu t terminé ses opérations
cosmétiques qui, — je dois le reconnaître, - avaient certainement
embelli son aspect, l’heure était trop avancée pour
que nous pussions espérer d’arriver à Riad avant la n u it noire.
Nous nous remîmes cependant en marche et suivîmes le bras de
la vallée qui mène à Dereyah. Du chemin élevé que nous parcourions,
nous apercevions les tours bâties p ar Ibrahim-Pacha
pour défendre cette ville importante; non loin de là s’élèvent
les murailles d’une vaste caserne aujourd’hui abandonnée. Le
soleil près de se coucher, envoyait horizontalement ses rayons
rouges su r la plaine, et répandait une lueur étrange sur les ruines
de l ’ancienne capitale wahabite. Le palais de briques sé-
chées au soleil dominait encore le revers septentrional de la vallée
mais la toiture et les terrasses avaient disparu; un amas de
décombres marquait la place où s’élevait la vaste djamiasxtuee
près de la place du marché; une to u r, placée sur une colline solitaire,
avait, je suppose, servi de demeure à la famille .des
Saoud lorsque ses membres, simples chefs locaux, ne rêvaient
pas encore l’empire du Nedjed.
Les solides fortifications extérieures semblaient pouvoir défier
les ravages du temps pendant de longues années; ën q u e lq
u e^ endroits, elles avaient été abattues par l’artillerie égyptienne;
un grand nombre de maisons étaient debout, et l’ceil
pouvait suivre, comme sur un plan géométrique, les sinuosités
des rues. D’après la grandeur de la cité, qui couvre au moins un
demi-mille de superficie, j ’estime qu’elle devait renfermer une
population d’à peu près quarante mille âmes. Les jardins « florissants
encore où l’homme a cessé de vivre » entourent d’une végétation
luxuriante les ruines grisâtres; car les Nedjéens,bien
qu’ils se soient fait scrupule de reconstruire une ville détruite
par la fatalité, n’ont pas cru également nécessaire d’abandonner
les riches plantations et les champs fertiles de Dereyah. Une
colonie de cultivateurs s’est donc établie dans les environs de
l’ancienne capitale, où elle a fondé plusieurs petits hameaux.
Pendant que des hauteurs où nous nous étions arrêté s, nous
jetions des regards mélancoliques sur ces lieux, si pleins de
souvenirs, le soleil avait disparu de l’horizon et l’ombre envahissait
la campagne. Nous proposâmes naturellement de faire halte
près de l’antique cité ; mais Abou-Eysa, fermant l’oreille à nos
prières, insista pour nous conduire dans un ja rdin situé,
disait-il, tout près de là, et qui était la propriété d’Abder-Rah-
man, petit-fils du premier Wahabite. Il nous fallut cependant
marcher trois heure s, au pas le plus rapide de nos chameaux,
pour atteindre ce bosquet si rapproché, et notre guide m’avoua
plus tard que, s’il avait refusé de s’arrête r à Dereyah, c’était
parce qu’il ne se souciait pas d’y être vu en compagnie d’é tran gers
shiites et chrétiens. Par une de ces singulières influences
locales qui survivent au changement des races et, su r un même
so l, revêtent d’un caractère uniforme des habitants d’origine
différente, peut-être aussi à cause de l’amertume qu’entretient
en elle la vue de sa grandeur déchue, la population réunie
autour de Dereyah compte dans son sein les plus fanatiques
Wahabites de l’Ared. C’est ici, le lecteur se le rappelle sans
doute, que mon infortuné prédécesseur, le voyageur qui avait
tenté d’explorer l’Arabie centrale sous le costume d’un d e rviche,
teignit de son sang les sables de la cité inhospitalière.
Nous poursuivîmes donc notre route et nous arrivâmes fort tard
dans la soirée à la villa d’Abder-Rahman.
Nous n’essayâmes pas d’en trè r dans la maison ; personne, à