
comme les symboles d’un culte sidéral, on peut émettre les
mêmes suppositions sur ces pierres arabes élevées dans un
pays où les globes célestes étaient adorés par les habitants. En
réalité, il n’y a pas de différence essentielle entre les monuments
du Kasim e t ceux du comté de Somerset.
Le soleil étant parvenu au plus haut point de sa course,
nous fîmes halte à l’ombre d’un de ces gigantesques piliers
pour nous reposer des fatigues d’une longue marche, en écoutant
les récits fabuleux consacrés à Darim et à ses exploits.
Foleyh invita gracieusement toute la caravane à souper dans sa
demeure, voisine d’Eyoun. H va sans dire que son offre fut
acceptée avec joie; notre hôte et ses deux compagnons p artiren t
aussitôt pour la ville, afin de p répa re r le repas. Quand ils nous
eu ren t quittés, nous nous dirigeâmes vers un puits dont 1 eau
fraîche nous p arut un délicieux breuvage, et nous attendîmes
à l’ombre d’un bouquet de palmiers que la chaleur du jo u r fût
devenue moins brûlante. Tandis qu’avec la permission du propriétaire,
nous cueillons les belles dattes mûres qui pendent
aux arbres voisins, il ne sera peut-être pas hors de propos de
donner au le cteur un rapide aperçu de la flore indigène.
Le mot arabe Kasim désigne un sol sablonneux, mais fertile, à
première vue, en effet, les te rrains, rouges ou jaunes, ne semb
le n t pas promettre d’abondantes moissons, mais en cela comme
en beaucoup d’autres choses, on se tromperait si l’on juge ait
d’après les apparences ; dans les endroits où l’on a établi une
irrigation suffisante, la plaine se couvre d’une riche végétation ;
or l’eau abonde dans ce district, on la rencontre p a rto u t à une
profondeur de six pieds a u plus, quelquefois à u n e distance beaucoup
moindre. Les Arabes m’ont assuré que, pendant l’hiver,
les puits débordent souvent et forment de petits lacs, dont quelques
uns même ne sont pas desséchés complètement par les chaleurs
de l’été. Bien que le Kasim soit un pays p lat, son aspect
général est assez pittoresque. Il est parsemé de collines de sable
et de monticules d’une soixantaine de pieds environ, couverts
d’ithels et de ghadas ; au pied de ces éminences croissent le hurta
aux larges feuilles, plante employée pour le tannage, le katad
épineux, si fo rt recherché par les chameaux, le teyoun, qui, pour
la forme et le parfum, rappelle la verveine de nos climats. ^
Le palmier dattier est ici, comme dans toute l’Arabie, l’obje
t principal de la culture. Cette famille renferme des e spèces
nombreuses, e t le Kasim se vante à bon droit de posséder
les meilleures que l’on connaisse, à l’exception du khàla
d’Hasa, dont nous parlerons plus tard. La saison de la maturité
arriv an t d’ordinaire vers le commencement de septembre,
nous eûmes d’amples occasions d’apprécier ces excellents
fruits. Ceux qui ne connaissent les dattes que p a r
les échantillons étalés dans les boutiques d’Europe, ne sauraient
s’imaginer combien il est délicieux de les manger toutes fraîches
cueillies dans l’Arabie centrale ; leur abondance ne produit pas
la satiété, car c’est une n o u rritu re aussi saine qu’agréable.
Elles sont, dans le Kasim, d’un bon marché fabuleux ; pour la
somme de trois farthings1, Barakat en achetait, pendant notre
séjour à Bereydah, de quoi rem p lir un grand mouchoir arabe
au point d’avoir peine à le nouer. Nous les suspendions aux
poutres de notre chambre, pour les g a ran tir de la voracité des
fourmis, et nous avions soin de recueillir dans u n bassin placé
au-dessous, le suc savoureux que ces fruits distillent.
Les plantations de palmiers forment la richesse territoria le
de l’Arabie; un petit verger rempli de ces arbres compose
souvent to u t le patrimoine d’une famille ; la datte tien t dans
l’alimentation la même place que le pain en F rance, et le
surplus de la consommation locale est acheté par les provinces
voisines, l’Yémen et l’Hedjaz, moins favorisées sous ce
rapport. Abattre les palmiers d’un ennemi est le premier acte
d’hostilité en temps de guerre ; en p lanter de nouveaux est le
signe infaillible d’une prospérité renaissante. Les mahométans
prétendent que cet a rbre croît seulement dans les pays qui professent
l’islamisme, qu’il est, en u n mot, un bienfait réservé aux
vrais croyants. A ce compte plus d’une belle p lantation d e l’Ha&a
et de l’Oman, sans parler des districts du Shomer, devrait être
depuis longtemps, détruite. Mais Celui qui fait lu ire son soleil
sur les bons comme sur les méchants n’a pas créé le d attie r
pour déroger à. sa bienfaisance universelle; et cet a rb re ne
p a ra ît pas s’être propagé avec beaucoup, plus de vigueur dans
le voisinage de Constantinople depuis que la foi musulmane y
a été établie, au temps de Mahomet II.
1. Environ 7 centimes;