
sont quelquefois protégés par une seconde ceinture de remparts
et de tourelles; le plus souvent, comme àBereydah, ils s’avancent
librement dans la campagne. Cette antique cité a une apparence
plus régulière que Djowf et Hayel; nous traversâmes
plusieurs rues assez larges et nous arrivâmes sur une petite
place, où, mon bâton à la main, je m’assis auprès des chameaux,
tandis que Barakat et Moubarek se mettaient en quête
d’un logement.
Je restai ainsi en sentinelle pendant une demi-heure qui me
parut bien longue. Une foule de gens allaient et venaient; des
curieux de bas étage se rassemblaient autour de moi, me fatiguant
de leurs questions indiscrètes avec la familiarité qui,
dans tous les pays, est le propre des gens grossiers. Il ne
m’était pas toujours facile de conserver le calme et la froide réserve
dont s’arment, en semblable circonstance, les Arabes bien
élevés. Enfin mes compagnons revinrent ; ils avaient trouvé ce
qu’ils cherchaient, et nous partîmes aussitôt pour prendre possession
de notre nouvelle résidence.
La maison que le guide nous avait choisie était parfaitement
située ; cinq minutes au plus la séparaient, au nord, des remparts
de la ville, au midi, du marché principal. Elle renfermait
deux grandes chambres et trois petites qui ouvraient sur une
vaste cour entourée de hautes murailles. Un escalier tournant,
mal éclairé, composé de marches irrégulières, conduisait à une
terrasse séparée en deux compartiments par une cloison. Le
bâtiment paraissait fort ancien, il était solidement construit, et
avait même quelque prétention à l’élégance. Les portes, en bois
d’ithe l, avait été grossièrement sculptées; un fourneau établi
dans l'une des principales pièces, montrait qu’elle avait dû servir
de cuisine; l’autre, de forme oblongue, était évidemment le
khawah. Quant aux autres chambres,-elles formaient l’appartement
des femmes.
Le propriétaire, les clefs à la main, attendait notre arrivée.
Cet homme, appelé Ahmed, semblait d’humeur bienveillante,
mais avare et astucieux comme ses compatriotes ; il espérait
mettre à profit notre qualité d’étrangers pour conclure avec nous
un marché profitable. Mes compagnons, aussi rusés que lui, le
mirent à la Taison ; et aucun Parisien, je pense, ne trouvera que
deux francs par mois fussent un prix trop élevé pour une maison
spacieuse et commode. Toutes les réparations, si besoin était
d’en faire, tombaient à la charge d’Ahmed, qui devait en outre
nous fournir notre provision d’eau. Nous eûmes cependant la
générosité de reconnaître les laborieux services de la nymphe
au teint bronzé qui était chargée de la quérir au puits voisin.
Dès que nous eûmes installé nos bagages, nous partageâmes
avec Moubarek et notre propriétaire, le repas du matin ; puis le
guide nous quitta pour retourner à sa demeure.
Comme nous nous étions promis de séjourner peu de temps à
Bereydah, nous crûmes inutile de déballer nos médicaments et
de commencer à donner des consultations. Nous eûmes lieu cependant
de le regretter; notre départ se trouva différé d’une
vingtaine de jours, pendant lesquels, dépourvus de toute occupation,
de tout moyen d’entrer en rappport avec les habitants,
les heures nous parurent bien longues et bien monotones.
Nous espérions que Moubarek se chargerait de nous conduire
à Riad-. Trop poli pour répondre par un refus positif, il nous
avait laissé croire qu’il céderait à nos instances, mais il était bien
résolu à n’en rien faire. La crainte excessive qu’ont les Arabes
de paraître désobligeants les engage souvent à d’innocents mensonges,
si toutefois on peut appeler mensonges des formules de
courtoisie qui, dans la Péninsule, ont à peu près la même valeur
que les phrases usitées chez nous pour se débarrasser des importuns
: « Monsieur n’y est pas, «ou* Monsieur est indisposé. »
Familiarisés déjà avec les coutumes du pays, nous ne tardâmes
pas à comprendre que Moubarek n’avait aucune intention de
tenir sa parole. Nous cherchâmes un autre guide, et nous étions
à peine entrés dans notre demeure, que nous avisions aux
moyens de la quitter. Mais personne ne se présentait; dans
notre embarras, nous résolûmes de nous adresser au gouverneur,
dont nous connaissions alors fort peu le caractère ; car nos
compagnons de voyage étaient trop circonspects pour apprendre
légèrement à des étrangers les détails que nous avons déjà
donnés plus haut.
En conséquence nous nous informâmes des heures d’audience
de Mohanna, et nous apprîmes que, contrairement à l’usage de
Coriolan, il recevait les visiteurs de grand ma tin , à l’heure où
le soleil se lève. Trois jours après notre arrivée, nous nous
rendîmes à son palais pour solliciter son appui et le prier de