
CHAPITRE VII.
BEREYDAH.
I cannot like, dread sire, your royal cave
Because I see, by all tbe tracks about
Full many a beast goes in, b u t none come out.
(PO P E .)
Les pas empreints sur la poussière
P a r ceux qui s’en vont faire au malade leur cour,
Tous, sans exception, regardent sa tanière ;
Pas un ne marque de retour :
Cela nous met en défiance.
Que Sa Majesté nous dispense.
(L a F o n t a in e .)
Étrange spectacle sur la route de Bereydah. - Campement de pelenns
indo-persans. — Conduite de Feysul envers les pèlerins. — Abou-Bo-
teyn, ses extorsions et sa fuite. — La caravane à Bereydah. — Mohanna.
Sa trahison envers une caravane. — Notre nouvelle demeure. ^
Difficultés qui s’opposent à la continuation de notre voyage. — Visite a
Mohanna. — Son château, son khawah. — Le Nedjed et les Wahabites.
Rencontre d’Abou-Eysa. — Son histoire e t ses aventures. Sa position
vis-à-vis du gouvernement de Riad. — Son caractère. Il offre
de nous conduire 'a Riad. — Une de nos journées à Bereydah. — Visite
au campement des pèlerins. — Persans et Turcs. Place du marche.
Mosquée.—Absence d’inscriptions. —Sel. — Caractère de la ville etae
la population. — Les maisons. — La conversation à Bereydah. — Promenade
dans les jardins. — Machines hydrauliques. — Opérations militaires.
— Le camp nedjéen. — Origine de la grammaire arabe. — Les
nuits et les matinées. — Villages des environs. — Influence du gouvernement
-wahabite sur le commerce et l’agriculture. — Changements
opérés par la dynastie de Saouddans l’Arabie centrale. Comparaison
entre les Wahabites et les Osmanlis.—Visite aux faubourgs d’Oneyzah.
— Mohammed-Ali. — Sa correspondance avec Feysul. — Il part avec
nous pour Riad.
La matinée était b rillan te , mais froide, quand, laissant derrière
nous les inextricables collines de sable, nous suivîmes les
ruelles qui coupent la ceinture de jardins dont est entourée
Bereydah. A l ’entrée de cette ville nous attendait une surprise ass
e z inquiétante. Nous venions de to u rn e r le coin d’un ja rd in ,
lorsque nous aperçûmes un homme vêtu à la manière des m u letiers
du Nord, et abreuvant ¡une couple de mules. Barakat et
moi, frappés d’é tonne ment, nous pouvions à peine en croire
nos yeux. Car depuis le jo u r où nous avions quitté Gaza
pour en tre r dans le désert sud-oriental, nous n ’avions pas
une seule fois rencontré pareil costume ni pareils animaux ;
comment donc se trouvaient-ils ici? Cette rencontre é ta it effectivement
singulière. Quand l’inconnu leva la tête pour regarder
ceux qui passaient, il tressaillit comme si quelque chose en nous
le frappait à son insu. Nous eûmes bientôt le mot de l’énigme.
A quelques pas plus loin, la grande plaine qui se trouve immédiatement
sous les murs de Bereydah était couverte de tentes
parmi lesquelles s’agitait une foule compacte ; des étrangers reconnaissables
à le u r costume, des Arabes de la ville et du désert,
des femmes, des enfants allaient, venaient, parlaient, se querellaient,
achetaient et vendaient. P a rto u t s’étalaient des paniers
pleins de dattes et de légumes , d’oeufs et de b e u r r e , des ja tte s
de lait, des fagots de bois à b rû le r, des quartiers de viande ; p artout
on voyait des feux de cuisine autour desquels se formaient
des groupes animés; enfin au milieu de ce campement, j ’aperçus
un grand pavillon de toile blanche surmonté d’une boule dorée ; je
n’en avais pas vu de semblable depuis que j ’avais quitté l’Inde onze
ans au p a rav an t, et les tentes d’étoffe rayée qui se déployaient
autour de celle-ci n ’étaient certes pas non plus de fabrique arabe.
Elles appartenaient à une grande caravane de pèlerins qui
revenait de Médineen passant p a r le Kasim. Le pavillon à boule
dorée abritait une princesse indienne, Tadj-Djehan, veuved’Asaph
Dowlah, dont le nom est célèbre au Bengale. La Begum emmenait
avec elle u n grand nombre de parents et de serviteurs, et
les mules qui avaient si vivement excité notre surprise étaient
celles de sa litière. Le reste de la caravane se composait en
partie de Persans, en partie d’habitants de Meshid-Ali, Kerbela
et Bagdad; tous étaient shiites et reconnaissaient p o u r chef un
haut dignitaire de Shiraz, Mohammed-Ali, auquel le gouvernement
de Téhéran avait confié la mission peu enviable de diriger
ce périlleux pèlerinage.
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