
chaudronniers et des forgerons, dont le vacarme pourra it réveiller
les morts ou tu e r les vivants. Enfin nous débouchons
su r la place centrale, qui n.’est ni Jaide ni irrégulière, au moins
pour le Kasim. Sur l’un des côtés, s’élève la djamia ( grande
mosquée), édifice qui date de deux siècles environ, autant que
l ’on en peut juge r p a r l ’aspect extérieur, car il ne porte nulle
p a rt de millésime ni d’inscription. C’est là, autant que j ’en ai
pu juger, une règle suivie invariablement dans les constructions
de l’Arabie centrale et orientale ; on ne découvre sur les
linteaux et les colonnes aucun caractère cufique, himyarite ou
arabe. Je ne me rends pas compte de cette rareté des inscriptions,
surtout quand je me'rappe lle combien elles abondent à
Palmyre et à Babylone. Les murailles et les dessus de portes
sont, j ’en conviens, assez souvent barbouillés de caractères
de couleur; mais il est visible qu’ils n ’ont été tracés que depuis
fort peu de temps. On ne peut a ttrib u er cette disette d’inscriptions
gravées sur pierre à l’ignorance des h ab itan ts ,
puisque les bas-reliefs ne sont pas rares dans les monuments
du Nedjed, et que, dans tout l ’Oman, cette branche des arts
décoratifs est cultivée avec assez de succès.
Le mina ret élevé qui surmonte la djamia suffirait, à défaut
d’au tre s preuves, p o u r établir que l’édifice a été construit avant
la première domination wahabite, car la secte nedjéenne proscrit
ce genre d’ornementation par la raison péremptoire qu’il
n ’existait pas au temps du prophète ; elle se contente d'une
petite tourelle placée à l’un des angles et qui dépasse à peine
le reste du monument. Une lézarde serpentant sur l ’une des
faces du mina ret rappelle le tremblement de terre qui eut lieu,
il y a une trentaine d’années, et fut le même probablement que
celui dont nous trouverons des traces dans l’Hasa. On ne conn
a ît pas ici l’arceau, ni p a r conséquent la voûte; les piliers de
pierre qui supportent le plafond de la mosquée sont très-nombreux
e t serrés les uns contre les autres.
En face s’étend une galerie ouverte qui a quelque analogie
avec celles de Bologne. Des habitants assis à son ombre s’en tretiennent
des nouvelles du jo u r ou causent de leurs affaires. Au
centre de la place, des chameaux sont accroupis à côté d’un
monceau de ballots de marchandises, dont le café, le henné et
le safran forment une large p a rt. Cependant, à l’époque de
notre arrivée, le commerce était fort .languissant, la guerre
absorbait une partie de la population, e t les escarmouches continuelles
rendaient les routes peu sûres. Les Kasimites, pleins
de douleur en voyant les maux qui désolaient le pays, maudissaient
les Nedjéens et déploraient amèrement la folle confiance
qui les avait poussés à demander la protection de ces farouches
tyrans.
D’autres rues partant de la place rayonnent dans toutes les
directions, chacune d’elles contient un marché destiné à telle
ou telle denrée particulière; les fruits, les légumes, les épices
sont vendus p a r les femmes, et nous devons dire, à la louange
du beau sexe de Bereydah, qu’il ne se montre nullement inférieu
r aux hommes pour l’entente des affaires. « L’adresse sied à
.une femme autant que la bravoure à un guerrier, » dit un poëte
arabe, d’accord sans le savoir avec Lance de Vérone, qui met
cette qualité au nombre de celles que doit posséder sa future
épouse.
Le sel du Kasim occidental, remarquable p a r sa blancheur,
est l’objet d’un commerce assez étendu; on le voit souvent, étalé
dans les boutiques d’épicerie, faire resplendir au soleil les facettes
de ses brillants cristaux. Quelquefois u n Persan se h a sarde
dans le marché, désireux d’obtenir quelques comestibles
en échange d’un objet de prix, mais il est retenu p ar la mine
peu encourageante des habitants, auprès desquels les pèlerins
ne jouissent pas de la meilleure réputation. On rencontre aussi
très-peu de Bédouins dans les rues de Bereydah ; p a r compensation,
on y voit en grand nombre de graves citadins, mis avec
une certaine recherche, et tenant à la main une baguette de
lotus. Leur turban, jeté négligemment sur la tête, est dépourvu
de la bandelette noire ou blanche en poil de chameau que ne
manquent jamais d’y joindre les habitants du nord. Cette akkal
ou bandelette devient plus rare à mesure qu’on approche du
centre de la Péninsule, et disparaît entièrement dans les provinces
de l’est.
La ville, autrefois si prospère, est aujourd’hui en pleine décadence;
peu de maisons neuves s’y élèvent, beaucoup tombent
en ru in e ; tous les visages sont graves, chacun parle d’une voix
basse et triste ; les vêtements de soie ont été sévèrement proscrits
p a r les Wahabites, e t l ’on ne peut fumer que dans l’inté