
à quiconque ne connaît pas parfaitement les Orientaux, Saoud
eu t foi dans leu r accomplissement et accepta sans hésiter.
Sous la direction du Wahabite, qui lui servait désormais de
guide et de conseiller, il professa le mahométisme dans sa pureté
première. L’exemple du chef fut naturellement suivi p a r
les membres de sa famille et par tous ses partisans. Ces faits se
passaient vers 1760.
L’ambition stimulant son zèle religieux, Saoud se fit l ’apôtre
de la doctrine réformée ; au nom de Dieu et de l’islam , il attaqua
to u r à to u r les chefs qu’il qualifiait d’infidèles et, nouveau
Mahomet, obligea les populations à choisir entre le Coran et
l’épée. Il commença p a r b rise r ou soumettre les États les plus
faibles, puis il attaqua les plus forts. Suivant le précepte du vieil
Olivier : « Chacun doit mettre son coeur dans son oeuvre, » le
conquérant travaillait avec ardeur à étendre le territoire de De-
reyah, à- augmenter la puissance de la faction wahabite. La ruine
d’Eyanah qui succomba vers cette époque,—non p a r suite de la
guerre ou des sourdes menées de ses ennemis, mais p a r l’effet
d institutions tyranniques et vicieuses, — vint encore favoriser
les desseins de Saoud. Les Nedjéens expliquent la chute de cette
cité florissante p a r une légende qui, si elle n ’a pas d’autre mérite
, peint admirablement le to u r d’esprit particulier aux Arabes.
Un ma tin, disent-ils, Ebn-Maammer se rendait à la chasse,
accompagné d’une foule de nobles et suivi d’une escorte b rillante;
comme il sortait des remparts, il rencontre un enfant
chargé du lourd fagot qu’il venait de rama sse r pour le vendre à
la ville. Ebn-Maammer portait à sa ceinture un sabre neuf, dont
il n ’avait pas encore fait l’essai. A la vue du petit paysan, il se
to u rn a vers sa suite, et, par manière de plaisanterie, le féroce
gouverneur proposa d’essayer le tranchant de son arme sur la
pauvre créature. Pas une voix ne protesta, et le chef poussant
son cheval en avant, abattit d’un seul coup la tête de l ’innocente
victime. Sa mère, pauvre veuve dont il était l ’unique espérance,
avait vu de loin cet acte d’atroce barbarie. Elle s’élança, folle de
douleur, et, arrivée près du despote, appela sur lui la vengeance
céleste. A p a rtir de cette heure, les puits qui répandaient la fertilité
dans la campagne commencèrent à tarir; les jardins et les
plantations cessèrent de produire des fruits savoureux des ré coltes
abondantes; en moins d’un an, une mort prématurée enleva
le chef et toute sa famille, et les habitants d’Eyanah furent
contraints d’abandonner la ville maudite dont la ruine attestait
le crime odieux qui avait attiré ce terrible châtiment. Nous trouverons
plus tard, dans l’histoire des monarques wahabites, un
fait à peu près semblable, mais que j ’ai lieu de croire plus authentique.
L’Yemamah obéissait à un despote vicieux e t sanguinaire,
nommé Daas. Saoud eut à soutenir contre lui une guerre dont
l’issue fut longtemps douteuse; enfin l’islamisme triompha et
toutleNedjedméridional reconnut l’autorité du disciple d’Abdel-
Wahab. Ici encore la tradition a rabe fait intervenir le Deus ex
machina; elle attribue la défaite de l’infidèle Daas à un m ira culeux
tremblement de te rre qui répandit la te rreu r dans son a r mée.
Le vaincu se réfugia au Katif, où il ne tarda pas à mourir.
Cependant Ebn-Muflik avait été remplacé su r le trône carma-
thien p a r son fils Arar. Ce prince, fidèle à la haine héréditaire
que sa famille professait pour les sectateurs de Mahomet, tenta
plus d’une fois d’écraser le nouvel islam ; il se mit en personne
à la tête de ses troupes et assiégea Dereyah.. Je n ’ai pu obtenir
aucun détail sur le combat décisif qui eut lieu sous les murs de
cette ville; la tradition arabe raconte seulement qu’Arar regagna
presque seul le Dahna, dont les sables dévorèrent ceux de
ses compagnons que l’épée w ahabite avait épargnés; il s’enferma
dans le fort de Ratif, et la honte de sa défaite, le désespoir qu’il
en ressentit, term inèrent bientôt ses jours. Ses parents défendiren
t la ville et gouvernèrent après lui la province.
Maître du Nedjed, Saoud tourna ses armes contre des régions
plus florissantes; le Kasim, l ’Hasa, le Dowasir, reconnurent sa
puissance. Tout le pays, compris en tre La Mecque et le golfe
Persique, à l ’exception du Katif, fut conquis p a r le chef de
Dereyah; quand il mourut, après cinquante ans de guerres in cessantes,
la promesse de Mohammed-ebn-Abdel-Wahab était
accomplie : il avait fondé une dynastie glorieuse et laissait un
nom redouté dans la Péninsule entière.
Quant au grand homme qui avait été le promoteur de cette
importante révolution, il passa les dernières années de sa vie à
Dereyah, et contribua puissamment, par l’éloquence de sa parole,
au succès des armes de Saoud. Il composa un grand nombre
de traités dont le thème invariable est toujours l’explication