
moud, que la grande ville d’Hayel au-dessus du village bédouin
qui forme la capital du Djowf.
Auprès de ces lords du conseil privé se trouvait un Metowa
(littéralement : celui qui oblige à l ’obéissance), prêtre m u su lman
au visage rechigné, envoyé ici pour enseigner l’islamisme
aux Djowfites et fort peu aimé de ses disciples ou de ses collègues,
circonstance qui n ’adoucit pas son humeur fâcheuse.
Dans un de ses sermons du vendredi, il donna un si libre cours
à sa sainte colère, menaça de châtiments si terribles la tiédeur
des habitants, qu’il dépassa le b u t et provoqua les sourires moqueurs
de l ’assemblée, au lieu de lui inspire r la te rre u r et la
contrition. Comme le lecteur le devine sans doute, nous n’avions
à attendre de ce digne personnage aucune preuve de bienveillance.
Hamoud e t ses conseillers nous ren d iren t notre visite, et, p endant
les dix-huit jo u rs que nous passâmes à Djowf, nous fîmes
au château des excursions fréquentes, partageant l’hospitalité
du gouverneur, ou bien employant nos heures de loisir à obse
rve r les scènes intéressantes et variées qui s’offraient à nous.
Hamoud, en vertu de ses pouvoirs judiciaires, tient chaque
matin de longues audiences, où il admet quiconque a des ré c la mations
à faire valoir, des torts à redresser. Les parties adverses
plaident en personne leu r cause devant lui, e t le gouverneur,
après les avoir écoutées avec patience prononce le jugement. Les
crimes qui entra înent la peine capitale relèvent de la juridiction
d ’Hayel; tous les autres délits sont du re sso rt d’Hamoud, aussi
a -t-il fort à faire. Un homme de loi aurait, en Arabie, peu de
chances de s’enrichir, car tout le monde, même les Bédouins,
possède assez d’éloquence et de présence d’esprit p o u r défendre
son droit, et la chicane a u ra it ici peu de succès, quoiqu’il ne
soit pas ra r e de chercher à corrompre le juge par des présents.
Les procédés sommaires e t la simplicité de ces tribunaux m 'a musèrent
extrêmement. Une cour martialeserait en comparaison
un système très-compliqué; mais s’il arrive que le plaignant soit
un Bédouin, on assiste à une véritable comédie. En voici un
exemple :
Un nomade de la trib u de Maaz se présentait devant Hamoud
pour se plaindre du vol d’un chameau. Le gouverneur étaitassis
à sa place ordinaire, et, à demi-couché sur des coussins, il écouta
it d’un a ir de recueillement profond les doléances du Bédouin
qui, accroupi sur le sol et les jambes croisées, ten ait à la main
une large faucille dont il venait sans doute de se servir dans les
champs. Brandissant avec véhémence cet instrument gracieux,
il s’efforçait d’a ttirer l’attention de son juge : « Hamoud !
écoutez-moi bien! » — En même temps il étendait sa faucille
vers le gouverneur comme s’il avait eu l’intention de le pourfendre.
— « I l m’a pris mon chameau, Hamoud, que Dieu me
protège! Ce chameau est le mien, entendez-vous, enfant? Allah
le sait, vous le savez bien aussi! » Et il faisait de nouveau
son geste de faucheur. Il continua de la sorte à gesticuler e t à
parler, tandis qu’Hamoud, impassible, ne remuait pas u n doigt,
ne laissait pas un muscle de son visage tr a h ir sa pensée. Enfin
un des conseillers qui se tenaient auprès du gouverneur calma
le Bédouin p a r ces mots : « Souviens-toi de Dieu, aie confiance,
on ne te fera pas to rt. » Le juge appela les témoins, dont les
dépositions confirmèrent les paroles du pla ignant; puis il envoya
deux de ses serviteurs à la re c h e rch e . de l’accusé, e t il te rm ina
en disant au Maazi : « Tout ira bien, le père, on vous re n d ra ce
qui vous appartient. » Et sans rien perdre de son flegme im perturbable,
il lui ordonna de re to u rn e r à sa place.
Nous étudierons plus à fond cette administration patriarca le,
nous serons plus en é ta t d’en faire ressortir le caractère e t les
effets quand nous présenterons au lecteur le p o rtra it achevé au
lieu du simple croquis, Télal au lieu d’Hamoud.
Dans l’enceinte de la citadelle se trouve la Mesdjid ou Mosquée,
construite p a r l’ordre d’Obeyd, lors de so n p rem ie rs é jo u r
dans le Djowf. C’est un bâtiment fort vaste, mais d’une g rande
simplicité, car il se compose uniquement d’un portique qui
compte quatorze colonnes dans le sens de la longueur et trois
dans la la rg e u r ; douze pieds environ séparent chaque pilier et
l’édifice a une profondeur totale de cent soixante à cent q u a tre -
vingts pieds. Les colonnes sont en bois, les murs en te rre battue,
le plafond est formée de solives unies et sans courbure. C’est dans
cet édifice que sont dites les prières du vendredi, suivies du
Kholbah ou se rmon; tous ceux qui n’ont pas d’empêchement
légitime doivent y assister. Mais Hamoud ne cherche nullement
à intervenir dans les affaires de conscience; la contra inte re ligieuse
n’existe pas ici, e t les conseils orthodoxes du Metowa ont