
rens objets, ou à réparer les ustensiles de ménage. L’on a vu des garçons
de quatre à six ans, faire un modèle admirablement exact d’un
vaisseau de ligne. A peine le jeune Vaucanson a-t-il regardé le mouvement
d’une pendule à travers une fente de son étui, qu’il fait une
pendule en bois sans autres outils qu’un mauvais couteau. Le fils de
M. Reichenbacher, ingénieur pour les instrumens de mathématiques,
à Munich, avoit, dès l’âge de cinq ans, son tour à lui ; dédaignoit tous
les jeux de son âge, et ne vouloit absolument s’occuper que de ce qui
a trait aux mécaniques; son père a eu également ce même penchant
exclusif dès sa première enfance. AMulhausen, en Suisse, les fabri-
cans ne reçoivent dans leur atelier que les enfans qui, dès l'âge le plus
tendre, décèlent un grand talent pour les arts en crayonnant, en découpant,
parce qu’ils savent par expérience que de semblables sujets
seuls deviennent des ouvriers intelligens.
Qu’on parcoure l’histoire des grands mécaniciens, des grands dessinateurs.
des grands peintres, des grands architectes, on n’en trouvera pas
un seul qui il’ait manifesté , dès sa première jeunesse , les traces de son
talent inné.
Lebrun, dès l’âge de trois ans, s’exerça à dessiner avec des charbons ; à
douze ans, il fit le portrait de son ayeul. Christophe Wren avoit, à l’âge
de treize ans , construit une machine ingénieuse pour représenter le
cours des astres. Le père Truchet étoit encore enfant, qu’il exécutoit
déjà de petites machines qui annonçoient ce qu’il seroit un jour. Michel
Ange naquit peintre ; à l’âge de seize ans, il faisoit des ouvragés
que l’on comparait à ceux de l’antiquité. Dans sa plus tendre enfance,
ou trouva Pierre du Laar, surnommé Bamboche, continuellement occupé
à dessiner tout ce qu’il voyoit. Sa mémoire lui rappeloit avec
fidélité, même après bien du temps, les objets qu’il n’avoit vus qu’une
seule fois. Jean-Laurent Bernin fut, à l’âge de dix ans, en état défaire
une tête de marbre qui lui mérita le suffrage de tous les connaisseurs.
André Montaigne étoit destiné à devenir pâtre ; son génie le portoit
vers des choses plus élevées; il passoit tous ses instans à tracer des
figures sur les pierres ou sur le papier.
M. Berré ( Jean-Baptiste ) , né à Anvers , fils d*un tailleur d’habits,
livré à lui-même, se forma au dessin sans maître; on peut dire malgré
la volonté de tout ce qui avoit de l’autorité sur lui dans son premier
âge. 11 fit d’abord des fleurs, s’essaya ensuite dans le genre des animaux
de la vénérie, animaux morts ; il vint à Paris se perfectionner. Peienit
des lions et autres animaux carnassiers : enfin le voila fixé au genre de
Paul - Potter. Il excelle dans la peinture des animaux domestiques,
vaches, chevaux, etc., etc., qu’il place ou dans des sites champêtres,:
ou au milieu de bâtimens ruraux. Il prépare lui-même ses moyens d’étude
en sculptant ses modèles, et établissant les reliefs des vaches et des
cerfs, en petit, sans s’y être jamais préparé par des études préliminaires.
Un jeune artiste, qui dans ce moment fait preuve d’un grand talent
pour la sculpture, s’occupoit étant enfant, et n’ayant aucune idée de
l’existence de cet art, à sculpter des crucifix à l’usage des laboureurs,
et se faisoit par là un petit revenu pour se procurer les moyens de se
perfectionner. Tout le monde oonnoît de pareils exemples.
La plupart des grands artistes n’ont pas reçu d’éducation convenable
, et ils ont eu tout au contraire souvent à lutter contre la misère
ou d’autres obstacles de toute espèce, tandis que des milliers de peintres,
de sculpteurs , d’architectes et de mécaniciens qui ne se sont
jamais élevés au-dessus de la médiocrité , ont eu autant et souvent
bien plus de secours que les Claude Perrault, les Poussin, les Raphaël,
PI. LX X X V , fig. 5 ; les Truchet, les Michel-Ange, PI. LX X X Y , fig. 6 ;
les Anthemius, les Wren, les Mansard, les Nanteuil, etc.
Combien de fois des hommes que les circonstances extérieures ont
empêchés de se livrer par état aux occupations auxquelles les appeloient
leurs dispositions naturelles, n’en ont-ils pas fait leur amusement même
dans un tourbillon d'affaires d’un genre bien différent? Léopold I ,
Pierre le Grand et Louis XVI faisoient des serrures; le pasteur Hahn,
des montres; le religieux Plank employa la poussière des aîles des papillons
pour peindre des oiseaux; et ses peintures font tellement illusion
que l’on croit voir un oiseau naturel. On a vu des paysans faire des
orères, c’est-à-dire des machines indiquant le cours des astres.