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Tracy ', il faut avouer que le langage des gestes, quoique prive de
quelques-unes de ces propriétés , est plus naturel, plus intelligible,
plus universel que le langage de parole; que le langage d’actions ou de
gestes est antérieur au langage de parole, etc., etc. Je ferai voir l’utilité
immense du langage de gestes, à l’occasion du traité sur lapatognomo-
nirjue et sur la mimique.
Les cas de maladie que j’ai cités plus haut, et où les malades avoient
pleine connoissanee des choses, sans en pouvoir trouver ou prononcer
les noms, prouvent que l’action des forces intérieures précède les
signes, qu’elle en est même, jusqu’à un certain point, indépendante;
et enfin que les signes arbitraires, comme le langage de parole, ne peuvent
faire naître des idées et des sentimens, qu’autànt qu’ils sont, devenus,
par l’usage, des moyens d’association.
S’il étoit vrai que sans signes nous ne penserions presque pas, et
qu’il n’y a que lçs mots articulés qui puissent nous conduire aux idées
abstraites, etc., les enfans ne penseroient presque pas avant qu’ils ne
sussent parler. Or, l’expérience fait voir qu’avant de parler, les enfans
ont déjà acquis une infinité de notions, ce qui, sans penser, seroit impossible.
Les enfans commencent même les opérations de leur intelligence
par se faire des idées abstraites. Sans s’arrêter aux nuances des
couleurs, toutes ces nuances sont rapportées à l’idée abstraite ;. elles
sont toutes ou vertes, ou rouges, ou bleues, etc. Les petits des animaux,
le veau, le poulain, sont des enfans de vache, des enfans de
cheval, etc. Ainsi abstraire est le premier besoin de l’intellect, et il se
fait sans le concours d’aucun langage.
Il est encore constaté par l’expérience que toutes les fois qu’un individu
est privé de l’ouïe, il employé d’autres signes, soit naturels, soit
artificiels pour exprimer ses sentimens et ses pensées. On s?est enfin
désabusé de l’opinion réfutée depuis quelques siècles, que les sourds
de naissance ne soigpt pas susceptibles des mêmes sentimens, des
mêmes idées, des mêmes connoissances que les personnes qui enten-
* Projet d’éjémens d’idéologie, chap, XVI et XVII.
DU CERVEAU. g j
dent. Les connoissances des sourds , à moins qu’ils ne soient mal organisés
sous le rapport de l’intelligence, sont souvent plus justes, plus
précises que les connoissances vagues et indéterminées d’autres personnes.
L ’instruction de celles-ci se fait trop souvent dans des termes
mal compris, ambigus; l ’instruction, au contraire, des sourds, commence
toujours par les objets mêmes; jamais le sourd ne se fera illusion
d’avoir une idée positive des choses spirituelles; il sait très-bien que
tout ce qu’il en sait est fondé sur des négations, parce qu’on lui a fait
concevoir, par exemple, que l’esprit n’est pas un corps étendu, et
qu’il n’est pas une matière sans action, etc. Du reste, tout le monde
connoit combien leurs idées sur les affections , sur les sensations , sur
les sentimens et sur les passions sont exactes, et avec quelle rapidité ils
communiquent entre eux long-temps avant d’avoir reçu la moindre
instruction.
M. Spurzheim a vu un jeune homme écossois, né sourd et aveugle,
qui, privé de ces deux principaux moyens de communication, et sans
avoir joui d’une éducation quelconque, manifeste des qualités morales
ou affectives et des facultés intellectuelles à un plus haut degré que
bien d’autres individus qui sont doués de tous les sens extérieurs.
De tout ce que je viens de dire, à l ’occasion du sens de langage, je crois
être autorisé d’inférer que le langage de parole, considéré comme cause,
n’est nullement dans une liaison aussi étroite avec nos facultés que les
philosophes le prétendent; qu’il est-plutôt un elfet, une création de
nos facultés intérieures; et enfin, qu’un organe particulier du cerveau
préside à cette admirable fonction.
XVI. Sens des rapports des couleurs; talent de la
peinture.
Je n’entends nullement désigner, par l’expression sens des rapports
des couleurs, la simple faculté de voir ou de percevoir les couleurs. Les
animaux aussi voyent les différentes couleurs; ilssontsusceptibles d’illusions
produites par l ’emploi des couleurs, deslumièresetdel’ombre.J’ai
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