long-temps pour donner plus de maturité aux fruits de mes recherches
; mais le dernier terme approche, et il falloit bien me résigner à
laisser ce premier essai d’une physiologie du cerveau beaucoup moins
parfait qu’il pourra l’être cinquante ans plus tard. Déjà, dans plusieurs
endroits, j’ai indiqué, de combien de moyens j’ai été privé jusqu’à
présent pour démontrer d’une manière péremptoire les résultats de
mes travaux. Il faut infiniment plus de matériaux pour entraîner la
conviction des autres, presque toujours peu familiarisés avec l ’observation
de la nature, qu’il n’en faut pour sa propre conviction.
Pour mettre mes successeurs sur la voie du perfectionnement de
ma doctrine, j’avois formé une longue liste de questions qui restent
à résoudre, et j’avois l ’intention de consacrer un chapitre particulier
sur des choses indispensables à savoir, que cependant on ignore.
Mais je crains d’effrayer les jeunes naturalistes. On aborde avec courage
et on lève successivement un obstacle après l’autre ; on recule
au contraire devant une masse trop imposante de difficultés.
Un regret qui m’a toujours poursuivi et qui me poursuit encore,
c’est celui que je n’ose pas me flatter, que jamais mon entreprise soit
continuée dans tousses détails, que jamais mes peines soient ap-
préeiées. Quiconque n’est pas poussé par un instinct inné d’observations;
quiconque trouve trop difficile l’abnégation de ses opinions
et de son savoir puisé dans l’instruction antérieure; quiconque tient
plus à la confection de sa fortune qu’à l’exploitation des trésors de la
nature; quiconque n’est pas muni d’une patience inébranlable contre les
interprétations de l’envie , delà jalousie , de l’hypocrisie, de l’ignorance,
de l ’apathie et de l’indifférence ; quiconque a une trop haute idee de la
force et delà justesse de ses raisonnemens pour se croire obligé de les
soumettre à une expérience mille et mille fois répétée, ne perfectionnera
jamais la physiologie du cerveau. Cependant ce sont les seuls moyens
de vérifier mes découvertes, et les seuls propres à les rectifier ou à
le§ réfuter. Le lecteur me pardonnera si, indépendamment des preuves
que j’ai fournies pour l’organologie, en traitant les forces fondamentales
particulières,je m’appuie encore sur des expériences faites en pre*
sence d’un grand nombre de personnes qui nous accompagnèrent dans
les prisons, etc. Je ne voudrois rien négliger de ce qui peut encourager
les savans à étudier les fonctions des différentes parties cérébrales.
Voici la traduction d’une notice authentique de ma visite des
prisons de Berlin et de Spandau , telle qu elle a été insérée au mois
de mai i 8o5, dans les n°*. 97 et 98 du Freymüthige. M. Demangeon
l’avoit déjà rapportée dans sa Physiologie intellectuelle. Paris ,
1806.
« Le docteur Gall avoit manifesté le désir de visiter les prisons de
Berlin, tant pour prendre connoissance de leur intérieur, que pour
ajouter à ses expériences par des observations sur les têtes des prisonniers.
On lui proposa en conséquence de lui faire voir les prisons
de Berlin, la maison de correction et la forteresse de Spandau.
: « C’est par les prisons de Berlin que l’on commença, le 17 avril
i 8o5 , en présence des commissaires-directeurs et des employés supérieurs
de cet établissement, des inquisiteurs de la députation criminelle,
des conseillers deThürnagel et Schmidt, des assesseurs Mühlberg
et Wunder, du conseiller supérieur de l’inspection médicale, Welper,
du docteur Flemming, du professeur Wildenow et de plusieurs
autres,
k Lorsque le docteur Gall fut instruit des dispositions et des règle-
mens de cet établissement, on se rendit aux prisons criminelles et aux
salles de travail où il trouva environ deux cents prisonniers qu’on
lui laissa examiner , sans rien lui dire de leurs crimes ni de leur caractère.
« Il faut observer, en général, que la plupart des détenus dans les
prisons criminelles sont des voleurs, et qu’ainsi il étoit à présumer,
d’après la doctrine de Gall, que l’organe du vol prédomineroit chez
ces individus, et c’est ce qui arriva en effet. Les têtes de tous ces voleurs
se ressembloient plus ou moins quant à la forme, s’élargissant,
un peu plus haut que les sourcils, sur les côtés de la partie chevelue
en tirant en arrière; on y observoit un enforcement qu-dessus des
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