
Presque toujours, c’est le mâle seul qui chante: quelques-uns n’ont
que leur chant propre bien caractérisé , comme le pinçon, le chardonneret,
le verdier, le rossignol, etc. D’autres ont, outre leur chant propre,
la faculté d’imiter le chant ou le cri des oiseaux qui les environnent,
comme les diverses piegrièches, l’écorcheur, le mocqueur des roseaux ,1a
grive mocqueuse ( Turdus polyglottus) , d’autres enfin imitent la voix
de l’homme et de certains animaux, et se laissent instruire sur divers
instrumens à vent.
Comment rendre raison de ces différences? Toutes les fois qu’un
animal quelconque a une qualité ou une faculté de commun avec
l ’homme, il doit aussi en avoir de commun l’organe dans le cerveau.
Que l’on compare le cerveau et le crâne des oiseaux chanteurs avec le
cerveau et le crâne de ceux qui ne chantent pas. Chez ces derniers, le
cerveau est moins large près des yeux; le crâne est rétréci immédiatement
au-dessus des yeux, ou de la partie antérieure-supérieure des
orbites ; les orbites mêmes sont très-grands et ovales; et dans beaucoup
d’espèces, le cerveau n’avance pas jusqu’aux yeux, PI. LVII, fig. i ,
fig. 2, fig. 3 , fig. 4 , fig. 5. PI. LXX I, fig. i , fig.-2, fig. 3, fig. 4 , fig- 5,
fig- fig- 9) fig- io.
Chez les oiseaux chanteurs, au contraire, le cerveau, et par conséquent
aussi le crâne, sont plus larges vers le bord extérieur-antérieur;
delà , il arrive que les orbites sont plus ronds; car l ’échancrure latérale
qui existe chez ceux qui manquent de l ’organe de la musique, est diminuée
par le développement de cet organe , PI. L X X I , fig. 7 , fig 8,
fig. n .
Pour se faire une idée nette de cette différence, que l ’on place devant
soi les crânes du gros-bec, à côté de celui du serin jaune ou du chardonneret,
celui du coucou, du rollier, à côté de celui du merle, de
la grive ordinaire ou du sansonnet.
Qu’après cela l’on compare entre eux les oiseaux chanteurs, soit
espèce à espèce, soit individu de la même espèce, à individu, ayant
toujours égard à la plus ou moins grande perfection de leur chant. Le
crâne du pinçon, du chardonneret et du rouge-gorge n’est pas aussi
large dans la région indiquée, que celui du rossignol et du mocqueur.
Celui du merle l’est moins que celui de la grive proprement dite
( Turdus musicus).
Pour me convaincre de la vérité de ce que je viens d’avancer relativement
aux individus de la même espèce, j’ai élevé, par exemple,
des douzaines de mocqueurs des roseaux; et pendant qu’ils étoient
encore aveugles, j’ai placé près d’eux trente oiseaux chanteurs choisis,
d’espèces différentes. Quelques-uns de mes mocqueurs des roseaux n’apprirent
à imiter que le chant d’un de leurs nombreux maîtres ; d’autres
en imitèrent plusieurs ; quelques - uns apprirent à les imiter tous
avec une étonnante perfection. Tant pendant leur vie qu’après leur
mort, un oeil exercé distinguoit à l ’inspection de leur tête, le développement
plus ou moins grand de cette partie cérébrale. La plupart
de mes auditeurs, après s’être un peu exercés, avoient acquis de la facilité
pour discerner ces différences.
Dans les espèces où le mâle seul chante, d’ordinaire, le mâle se distingue
de la femelle d’une manière tout aussi frappante. Que l’on place
le crâne d’un rossignol mâle à côté de celui d’un rossignol femelle; on
trouvera toujours les orbites de la femelle plus échancrées ; celles du
mâle, au contraire, plus arrondies; et par conséquent sa tête plus large
dans la partie supérieure, dans le diamètre d’un bord extérieur de l’orbite
à l’autre. Les oiseleurs reeonnoissent, dans les oiseaux chanteurs
le mâle à ce signe , c’est-à-dire à cette plus grande largeur de la tête au-
dessus des yeux, et le distinguent ainsi de la femelle qui a la tête plus
étroite au-dessus des yeux. 11 y a plus, parmi les mâles même, ceux qui
ont la tête la plus large dans la région indiquée, ont le chant le plus
parfait. Dans le choix des oiseaux, je m’en suis toujours rapporté à ce
signe, et jamais il ne m’a trompé. Cette différence est encore sensiblé
chez les serins jaunes, quoique les femelles apprennent par imitation
à répéter de petits morceaux qu’elles chantent, cependant toujours
moins bien que le mâle , et que d’ordinaire elles oublient pendant la
mue.
Je sais bien que de semblables observations demandent beaucoup