
caractère général, ni indiqué seulement une qualité ou une faculté
particulière d’aucun des originaux de mes quatre cents plâtres. Tous se
sont constamment trompés. ,
Voilà, dit plus d’un de mes lecteurs, cequi ne me seroit pasariivé;
cent fois j’ai jugé le caractère des personnes sur leur physionomie, et
je doute que je me sois trompé jamais. Avez-vous jugé des personnes
dont lecaractère vous étoitauparavant inconnu? Vous êtes-vous donné
la peine et avez-vous eu le temps de constater votre jugement? Avez-
vous mangé un boisseau de sel avec chacune des personnes que
vous avez jugées? Et comment énoncez-vous vos jugemens? C’est un
brave homme, une ame essentiellement honnete ; cet homme a quelque
chose de faux dans les je u x , je ne me fierois pas à lui; c est une
personne aimable , et d’une douceur angélique , quelle vénérable
matrone! etc., etc. Mais, qu’y a-t-il de déterminé dans tous ces ju-
gemens-là? Nous apprennent-ils par quelle qualité ou par quelle faculté
tel individu se distingue?
J’ai prouvé que le cerveau est exclusivement 1 organe de 1 âme- Il
n’y a donc que la forme du cerveau ou celle de la boîte osseuse, autant
quelle est déterminée parla forme du cerveau quipuisse nous faire juger
des-qualités ou des facultés. Il ne peut exister aucun rapport entre aucune
autre partie quelconque et les qualités ou facul tés. Il n’y a , ni dans
le nez, ni dans les dents, ni dans les lèvres, ni dans les mâchoires,
ni dans la main, ni dans le genou, aucune cause matérielle qui puisse
déterminer l’existence d’une qualité ou d une faculté ; ces parties ne
peuvent donc fournir aucune indication relative au caractère moral ou
intëllectuel.
Je sais bien que, selon les physionomistes, il existe une certaine
harmonie entre toutes les parties du corps. « Il est évident, dit Lavater,
que la vie intellectuelle, les facultés de l’entendement et de l’esprit
humain, se manifestent surtout dans la conformation et la situation des
os de la tête et principalement du front, quoique , aux yeux d’un observateur
attentif, elles soient sensibles dans tous les points du corps
humain , à cause de son harmonie et de son homogénéité ». Dans cette
hypothèse, il seroit indifférent de prendre pour sujet de ses observations
le nez, le genou, le pied, la poitrine, la main ou le cerveau.
Je me suis entretenu sur cette matière avec les artistes les plus instruits.
Assez généralement ils ont l’opinion que la forme d’une partie
déterminée du corps étant donnée, l’on peut déterminer la forme des
autres parties. Que le nez fait deviner le front et toute la tête; qu’une
forme déterminée du front suppose nécessairement telle forme’ du nez.
Ces assertions m’ont engagé à faire les recherches les plus exactes. J’ai
examiné avec soin des dévots,des poètes, des philologues, des voluptueux,
des guerriers, des ambitieux, qui avoient chacun l’organe cérébral
de leur qualité ou faculté dominante extrêmement développé, et
dans chacun je trouve un autre nez, d’autres lèvres, d’autres mains, etc.
En général, les physionomistes ont recours à plus d’une hypothèse
gratuite. Ils vont jusqu’à dire que c’est lame qui construit elle-même
son enveloppe corporelle, et que par conséquent cette dernière doit
porter nécessairement l’empreinte des qualités et des facultés de la
première.
i°. Cette assertion n’est prouvée par rien;
a0. Elle suppose que la cause de la différence des qualités et des
facultés de 1 âme dépend de l’âme elle-même et nullement des organes
matériels ;
3°. L ’expérience prouve que, tant chez l’homme que chez la femme,
les vertus et les facultés ne sont nullement dans la proportion de la
beaute de leurs parties et de l’harmonie qui règne entre elle.
Et après tout, lorsqu’un physionomiste a prononcé un jugement,
par quoi s’est-il laissé déterminer? Pourra t-il me dire quelle espèce
d yeux, de nez, de bouche, a la personne qu’il vient de juger? Il n’a
donc pas jugé d’après les formes des parties, et, par conséquent, il
n’a pas jugé en physionomiste. Les gestes, la démarche, l’habitude
du corps, le mouvement des yeux, le parler, etc., qui ont déterminé
son jugement, sans que lui-même se soit rendu compte comment il
a porté un jugement pathognomique | c’est-à-dire, il a jugé les mouve