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ëtoient renflées en un gros bourrelet arrondi. Ces têtes me convainquirent
que ce n’est point l’égalité des diamètres temporal et zygomatique
, qui détermine le génie pour la mécanique , mais bien une
grande protubérance arrondie placée dans la région temporale, tantôt
immédiatement derrière l ’oeil, tantôt un peu au-dessus. Lorsque je me
fus assuré du siège de l ’organe et de son apparence extérieure, je multipliai
mes observations ; partout où je jetois les yeux, je trouvai, tant
dans notre espèce que chez les animaux, les preuves les plus irrécusables
que le sens des mécaniques est une faculté fondamentale. Je me
contenterai d’indiquer ces preuves.
Histoire naturelle du sens des mécaniques, des constructions
et de Varchitecture chez les animaux.
Le tissu de la chenille , la toile de l’araignée , les cellules hexagones
de l’abeille, les galeries souterraines de la fourmi, de la taupe, du
lapin, les nids des oiseaux et de l’écureuil, la cabane du castor, etc.,
sont autant de chefs-d’oeuvre. Quelle est la force qui les a créés ?
Le chien et le cheval, si supérieurs à tant d’égards aux animaux que
je viens de nommer, n’ont jamais, même dans les momens de la plus
grande détresse, manifesté la moindre trace d’instinct pour bâtir ou
d’une aptitude industrielle quelconque. Quelle est donc la forcé qui
suggère à des êtres si bornés, les moyens les plus ingénieux pour leur
propre conservation et pour celle de leur famille ?
L ’instinct? oui : c’est, sans contre-dit un instinct, c’est-à-dire une
impulsion intérieure ; mais ce n’est pas cet instinct, recours ordinaire
des philosophes de cabinet et des naturalistes amoureux de leurs
idées spéculatrices. C’est un instinct propre, absolument indépendant
de toute autre espèce d’impulsion iriiérieure et calculé exprès d’après
les rapports particuliers dans lesquels l’animal se trouve avec le monde
extérieur. Le tissu de la chenille devoit la garantir de la pluie et du
froid; la toile de l'araignée devoit lui assurer sa proie; les galeries
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souterraines de la taupe dévoient servir de refuge et de demeure à
elle et à ses petits. Il falloit que l’organisation de ces êtres fût d’accord
avec leurs besoins, et recelât le type primordial des ouvrages qu’ils
doivent executer en dehors. Ainsi donc, ici encore même harmonie
entre 1 intérieur de 1 animal et les lois du monde extérieur, que pour
toutes les autres qualités et facultés fondamentales; ici encore , dans
un petit organisme vivant, le type ou l’empreinte d’une partie du
monde extérieur.
Voilà la seule idee raisonnable des aptitudes industrielles innées. Que
servirait à 1 hirondelle et à la grive de pétrir avec de l’eau la terre
glaise qui doit donner de la solidité à leur nid , si la terre glaise en se
desséchant se réduisait en poussière? C’est en vain que la pie entourerait
son nid d’épines, si les épines n’empêchoient pas ses ennemis d’en
approcher. C’est l’harmonie entre les aptitudes industrielles des animaux
et les objets du dehors qui seule les met en état d’assurer leur
existence contre les dangers qui les menacent.
L’action de cette faculté, même chez les animaux, n’est pas soumise
aux lois d’une aveugle nécessité.-Us varient, suivant les circonstances, la
structure de leurs nids, de leurs galeries. Les écureuils modifient beaucoup
leurs nids et surtout leurs habitations d’hiver ; ils varient dans
le choix de différens matériaux qu’ils savent chaque fois mettre en
oeuvre conformément à leur but. Dans certaines espèces, les aptitudes
industrielles sont réduites à l ’inaction par la captivité et même par des
circonstances peu importantes. Dans d’autres, elles continuent de se
manifester, en quelque façon, irrésistiblement sous les conditions même
les plus défavorables. J’ai vu un oiseau tisserand, en cage, qui dans toutes
les saisons enlaçoit de chanvre les barreaux de sa prison. Les castors
que l’on nourrit à Heilbrun, près de Salzbourg, et à Nymphenbourg,
près, de Munich, rongent des branches de saule, Les assujétissent ensemble
et les recouvrent de limon.
Ce qui vient à l’appui de l’idée que l’aptitude à bâtir est une faculté
propre, e’est que non-seulement certains mammifères construisent des
demeures pour eux et pour leurs petits, et que d’autres ne le font pas, B 19