
ques-uns d’entre eux, tels que Michel-Ange et Poussin , ont même négligé
le coloris qu’ils professoient reconuoître comme la partie la moins
essentielle de la peinture, tandis que leur mérite, sous le rapport du
dessin, de l'invention, de l'expression et de la composition, les fait
mettre au rang des premiers peintres d’histoire.
Si, au contraire, nous observons attentivement les paysagistes et les
peintres de portraits qui, dans l ’exercice de leur art, ont besoin surtout
du sens des localités et de celui des personnes; si l’on fait attention
que les organes de ces deux facultés sont très-près de celui du sens des
couleurs, l’on concevra pourquoi dans le nombre des paysagistes et
des peintres de portraits, il y eut de tous temps un grand nombre d’ex-
eellens coloristes qui ont surpassé dans cette partie presque tous les
peintres d’histoire. Que l’on compare les excellens paysages de Claude
Lorrain, de Schwanenfeld, de Ruisdal Bofh et d’autres, avec les ouvrages
des premiers peintres d’histoire, et l ’on se convaincra sans peine
de cette vérité.
2°. Le climat paroît exercer une grande influence sur l’organe du
sens des couleurs, comme sur d’autres organes. Presque tous les peintres
italiens, quoique environnés de la plus belle nature, sont tellement
médiocres sous le rapport du coloris, que , si l’on en excepte Annibal
Carrache et le Titien , l’un et l’autre coloristes du premier rang, l’Italie
ne possède pas un seul paysagiste comparable à Claude Lorrain, à
Schhwanenfeld ou à Ruisdal, et d’autres peintres flamands. La Hollande,
l ’Allemagne et le Nord même, ont produit, au contraire, un
grand nombre d'excellens paysagistes, mais un très-petit nombre de
bons peintres d’histoire. L’Espagne et le Portugal ont d’excellens peintres
d’histoires; par exemple, Valasques et d’autres, mais pas un seul
paysagiste. Dans l’école Italienne, les Vénitiens, placés plus au Nord,
sont presque toujours les meilleurs coloristes. On reproche à l ’école
françoise d’être un amphibie qui tient le milieu entre l’école Italienne
et l’école Flamande; l'on ose même prédire qu’elle ne produira jamais
ni un Raphaël, ni un Titien, ni un Paul Véronèse, ni un Corrège ;
l ’on soutient généralement que les François sont doués du sens des
arts et de celui des couleurs, à un moindre degré que les Italiens et
les Flamands; que la plupart de leurs tableaux historiques sont aussi
durs, et manquent de naturel, autant que leur musique; et que l'on
ne sauroit disculper la plupart de leurs tableaux de pécher par un coloris
outré. J’imagine que l’habitude et l’esprit national ont leur bonne
part à toutes ces critiques. Je ne suis ni artiste ni même connoisseur,
mais il me semble que la nouvelle école Française a quelques chefs-
d’oeuvre à opposer à ses détracteurs, et que les noms des Gérard, des
Guérin, des Robert Lefèvre, des Girodet, des Vernet, des Forbin ,
des David, des Régnault, de l’excellent coloriste Gros, etc., etc., ont
dû les placer au premier rang, parmi les écolés modernes. Mais
je le répète, je me déclare incompétent pour juger ce différent.
Je ne déciderai pas non plus jusqu’à quel point, comme quelques-
uns l’ont soutenu, le front étroit, mais plus saillant en avant, desHol-
landois et des Flamands, explique le plus d’activité de leur organe du
sens des couleurs; pour juger la question avec connoissance de cause,
il faudroit que j ’eusse comparé non-seulement en général les fronts des
différentes nations, mais que j’eusse encore étudié chez elles en particulier,
l ’organe du sens des rapports des couleurs.
Le degré différent du talent de la peinture des diverses nations se
décèle même dans leurs dessins et leurs gravures. Les dessins des Flamands,
même ceux à la plume, sont toujours, dans la partie des ombres,
plus finis que d’autres, et y offrent des masses de traits croisés
par lesquels l’artiste a eu l’intention de leur donner une apparence de
coloris. Plusieurs sont retouchés à l’encre de la Chine, ou offrent des
lumières en blanc sur brun. Les paysagistes Hollandais, proprement
dits , ont eu souvent l’habitude de colorier en gros leurs paysages
d’après nature, sur les lieux, ou du moins d’en faire un croquis colorié.
Dans les premières gravures des artistes hollandais et allemands, on
ne sauroit méconnoître l’intention du graveur, d’imiter les couleurs.
Les graveurs italiens, au contraire, depuis l’origine de l’art jusqu’à
nos jours, n’ont jamais pu gagner sur eux de donnneerr à leurs ouvrages la