
tré du doigt la partie inférieure de son front; il témoigne de l ’impatience,
et indique par des gestes que c’est de là que vient son impuissance
de parler. Ce n’est point sa langue qui est embarrassée; car il la
fait mouvoir avec une grande agilité, et il prononce très-bien un grand
nombre de mots isolés. Ce n’est pas non plus sa mémoire qui est en défaut,
car il me témoigna très-vivement qu’il étoit fâché de ne pas pouvoir s’exprimer
sur beaucoup de choses qu’il eût voulu me raconter. Il n’y a
d’abuli chez lui que la faculté de parler. Ce soldat, tout comme le
malade de M. Pinel, n’est plus capable ni de lire ni d écrire.
Peut-être que des faits semblables répandent du jour sur ces maladies
mentales, dans lesquelles les malades refusent absolument de parler.
Je possède le crâne d’un aliéné de cette espèce; dans ce crâne aussi,
le plancher supérieur de l ’orbite forme une voûte très-élevée en segment
de sphère. L’on pourroit dire que dans les cas où le système nerveux
est attaqué de foiblesse, c’est la partie antérieurement déjà la plus
foible qui souffre le plus, et que le malade se trouve dans l’impuissance de
parler, et a perdu même le souvenir d’avoir parlé jamais, quoique l’exercice
de ses autres facultés intellectuelles continue d’avoir lieu jusqu’à un
certain point. Ceci expliquerait encore comment par une maladie, après
une chute ou une lésion quelconque, un homme peut se trouver dans l’impuissance
de parler, sans que cette impuissance puisse être imputée à
une paralysie des organes vocaux. Dans des cas semblables, nous
avons tâché, dans l’hôpital des aliénés à Vienne, d’exciter l’action du
cerveau, non-seulement par des médicamens internes, mais aussi par
des frictions; par exemple, d’onguent avec le tarlrite de potasse stibié;
et nous sommes parvenus à rétablir la faculté de parler.
11 y a des enfans de deux à douze, et même de quatorze ans, qui ne
savent pas parler, quoiqu’ils entendent bien, et qu’ils ne soient pas
idiots, à beaucoup près, au même degré où le sont d’autres enfans qui
parlent. Dans ces cas, le vice ne gît point dans les organes vocaux,
comme se le persuadent quelquefois les ignorans ; et moins encore
dans un état d’apathie du sujet. Des enfans pareils ont souvent, au
contraire, une grande vivacité physique ; ils ne font que sautiller, et
ils passent de même-d’une idée à l’autre avec une étonnante rapidité ,
et ne fixent leur attention sur rien. Lorsqu’on les retient et qu’on prononce
à leur oreille un nom ou quelque autre mot, ils le répètent distinctement.
Il est tres-difficile de faire cette expérience deux lois de
suite, et c est la chose impossible d aller jusqu’à trois, ce qui prouve une
foiblesse générale des organes des facultés intellectuelles. Quelquefois
cependant, de pareils sujets sont capables d’exprimer par écrit leurs
idées et leurs sentimens avec assez d’ordre ; ce qui prouve bien que leur
foiblesse intellectuelle est particulièrement relative à la faculté de
palier. Quoique ces cas ne soient pas absolument rares; je n’ai pas pu
jusqu ici me procurer de crâne dun sujet pareil. Lorsqu’on traite ces
enfans par une méthode curative tonique, lorsqu’on ne fait pas subir
une contention trop forte et trop long-temps continuée à leurs foibles
facultés, lorsque, par le progrès de l ’âge , leurs parties cérébrales acquièrent
plus de consistance, leurs facultés intellectuelles se développent
souvent peu à peu , et ils finissent par acquérir la faculté de parler, et
prendre rang parmi les personnes raisonnables. 11 n’y a que le cas où il
existe une hydrocéphale ou quelque autre vice organique qui laisse peu
d’espoir d’une issue favorable.
M. Spurzheim a vu, à Inverness, en Ecosse, un homme qui, étant
frappe d apoplexie, connoissoit les qualités des objets; qui se rappeloit
les signes vocaux, mais qui nepouvoit pas les prononcer. Si on lui rnon-
troit une couleur, telle que la verte, et qu’on lui demandât si la couleur
étoit b rune, jaune ou toute autre que verte, il répondoit que non ; aussitôt
qu’on nommoit la véritable couleur, il disoit que oui. M Spurzheim
a observé un cas semblable à Paris. L ’homme comprenoit tout ce
qu’on lui disoit, mais il ne pouvoit pas trouver la prononciation des
mots dont il avoitbesoin. Il demandoit différens objets ; si on lui appor-
toit la chose dont ilavoit prononcé le nom, il répondoit sur-le-«champ :
c’est, ou ce n’est pas cela.
Quelquefois, cette espèce de mémoire se trouve exaltée dans l’état de
maladie. Les malades se rappellent des événemens dont ils n'avoient
plus aucun souvenir dans 1 état de santé. Ils citent des passages entiers