
P H Y S I O L O G I E
qui étaient oubliés depuis long-temps; ils parlent des langues qu’ils
avoient apprises dans l’enfance, mais dont ils avoient complètement
perdu l’exercice.
L organe de la faculté du langage est peut-être particulièrement excité
dans ces cas d’aliénation, où les malades croient entendre des voix qui
leur parlent. J’ai donné des soins à deux femmes atteintes de ce genre de
manie; l’une et l'autre avoient de grands yeux à fleur de tête et déprimés
vers les joues.
La même irritation paroît avoir lieu dans les aliénés qui s’imaginent
palier toutes les langues. Chez un aliéné de ce genre que nous avons vu à
Eeihn dans le grand hôpital dit la Charité, la partie cérébrale affectée
à cette fonction étoit extraordinairement développée.
11 existe donc une manie partielle, bornée à la faculté de parler; or
ce phénomène seroit impossible, si la faculté du langage de parole ne
se fondoit pas sur une partie cérébrale particulière.
Pour mieux faire sentir ce que c’est que le langage de parole, et quelle
est la fa cul te qui lut donne naissance, il sera utile d’examiner sa manière
d’être et ses différens degrés de perfection chez les animaux.
Sur le langage des animaux.
Tout langage est l ’expression ou la manifestation des idées ou des sen-
tirnens qu’éprouvent les hommes ou les animaux. Il y a , par conséquent
, autant de langages différens qu il y a de moyens différens d’exprimer
ou de communiquer ses idées et ses sentimens. Ces moyens sont :
ou des sons, des paroles; ou des gestes, des signes imperceptibles par
l ’oreille. Les sons et les gestes sont ou natnrels ou arbitraires. L’homme
se sert de deux langages; où les signes naturels ne lui suffisent pas, il
en invehte d’arbitraires. Les animaux ont le langage des gestes, personne
nen doute. Dans un autre endroit, je développerai l’origine du langage
des gestes. Mais les animaux ont-ils aussi le langage de parole? C’est
ce que nous allons déterminer à présent.
Voici comment C.-G. Leroy s’exprime sur ce sujet:
« Nous ne remarquons dans les bêtes que des Cris qui nous paroissent
inarticulés : nous n’entendons que la répétition assez constante des
mêmes sons. D’ailleurs nous avons quelque peine à nous représenter
une conversation suivie entre des êtres qui ont un museau allongé ou
un bec. De ces préjugés, on conclut assez généralement que les bêtes
n ont point de langage proprement dit, que la parole est un avantage
qui nous est particulier, et que c’est l’expression privilégiée de la raison
humaine. Nous sommes trop supérieurs aux bêtes pourchercher à mé-
connoître ou à nous déguiser ce dont elles jouissent ; et l’apparente uniformité
des sons qui nous frappent ne doit point.nous en imposer. Lorsqu’on
parle en notré présence une langue qui nous est étrangère , nous
croyons n’entendre que la répétition des mêmes sons. L ’habitude et
même l’intelligence du langage nous apprennent seules à juger des différences.
Celles que les organes des bêtes mettent entre elles et nous doit
nous rendre encore bien plus étrangers à elles, et nous mettre dans
l’impossibilité de reconnoître et de distinguer les accens, les expressions,
les inflexions de leur langage. Il est certain cependant que les bêtes de
chaque espèce distinguent très-bien entre elles ces sons qui nous pa-
roissent confus. Il ne leur arrive pas de s’y méprendre, ni déxonfondre
le cri de la frayeur avec le gémissement de l’Amour. Il n’est pas seulement
nécessaire qu’elles expriment ces situations tranchées, il faut encore
qu’elles en caractérisent les différentes nuances. Le parler d’uné
mère qui annonce à sa famille qu’il faut se cacher, se dérober à la vue
de 1 ennemi, ne peut pas être le même que celui qui indique qu’il faut
précipiter la fuite. C’est une question qui doit se résoudre parla solution
de deux autres. Ont-elles ce qui est nécessaire pour parler? Peuvent-
elles , sans parler, executer ce qu elles exécutent ? Le langage ne suppose
qu une suite d idées et la faculté d’articuler. Nous avons reconnu , sans
pouvoir en douter, dans les lettres précédentes, que les bêtes sentent,
comparent, jugent, réfléchissent, concluent, etc. Elles ont donc, en
fait d’idées suivies, tout ce dont on a besoin pour parler. A l’égard de
la faculté d’articuler, la plupart n’ont rien dans leur organisation qui
paraisse devoir les en priver. Nous voyons même des oiseaux, d’ailleurs