
Après l’ère chrétienne, après la proclamation solennelle d un vrai
Dieu, ils n’ont pu concentrer leurs voeux dans ce seul être tout-puissant.
11 leur a fallu des divinités secondaires. 11 leur faut encore des
images, des reliques, des amulettes, des anges tutélaires , des saints,
autant d’êtres auxquels ils supposent un pouvoir particulier, et quils
invoquent dans l’attente d’une protection spéciale.
Il sera, du reste, toujours difficile d’éviter, dans lune ou 1 autre
des deux hypothèses, tous les écueils qui s’opposent à la preuve péremptoire
de la marche que la nature a fait prendre à l’espèce humaine
dans le plus grand de ses intérêts.
Quelqu’opinion que l’on adopte , il s’ensuit toujours, que dans tous
les temps et partout, les hommes ont eu, par un instinct général,
recours à des puissances illimitées, soit bienfaisantes, soit malfaisantes.
Sous quelque forme qu’ils aient figuré ces puissances , c’est toujours
l’idée plus ou moins obscure, plus ou moins épurée d’un être supérieur,
qui constitue la base de toutes les croyances et de tous les
cultes même les plus absurdes. Bientôt les hommes ne se contentèrent
plus d’adorer leurs dieux dans leurs foyers ; ils leur vouoient
des temples et des autels. « Les premiers édifices, dit M. Sobry,
que demande l’ordre social, sont les temples. Les hommes veulent
s’unir pour rendre à Dieu un hommage qui les console, qui les
concilie, qui les moralise. C’est un devoir, c’est un besoin, c’est une
nécessité. Tous les siècles, toutes les nations, tous les lieux sont soumis
à cet usage sacré, aussi ancien que le monde, aussi étendu que le
genre humain. » 1 '•
Maintenant il n’est pas difficile de concevoir pourquoi il en est de
la croyance en Dieu et du culte religieux, comme de toutes les qualités
et facultés qui ont été données à l ’homme, au moyen de son
organisation. Personne n’a inventé le penchant de l’amour physique }
l’amour de la progéniture, l ’attachement; on n’aura jamais 1 idée de
chercher dans les fastes de l’histoire le premier qui ait livré combat
Poétique des Arts, p. 3.
à un de ses semblables, où le premier qui ait fait la guerre, qui ait
créé l’esprit de domination pour s’ériger en chef d'une tribu ou d’un
peuple. Personne n’a la gloire d’avoir inventé la peinture, la musique,
le calcul, l ’art mécanique, l’éloquence, la poésie. De même il n’est
personne , ni législateur, ni conquérant qu’on puisse citer comme premier
auteur d’une religion , avant lequel on ne démontre qu’il y avoit
une religion reçue. Il y en avoit une avant Numa chez les Romains;
Moïse, dont les écrits sont antérieurs à tout autre ouvrage que nous
ayons, fait voir une religion établie depuis l’origine du monde. Qu’on
lise ses livres, on y verra une religion formée chez tous les peuples
dont il parle, en particulier chez les Egyptiens et chez les Chana-
neens; on y verra une religion déjà altérée et corrompue chez les
vieux peuples. Qu’étoit le veau d’or, si ce n’est le symbole d’fsis
et une de ces divinités monstrueuses de l’Egypte déjà idolâtre? Du
temps d’Abraham, la Chaldée étoit infectée d’idolâtrie. La religion
étant.pour les hommes, doit avoir commencé avec eux, et doit subsister
autant queux; et 1 idée de Dieu est beaucoup trop sublime,
pour que 1 homme eût pu s’élever jusqu’à elle parle raisonnement, si
elle n etoit pas inhérente à son organisation.
Mais quelques dévots timorés sont alarmés par l ’assertion qu’il y a
une disposition innée aux idées religieuses; parce que, disent-ils,
chercher dans l ’intérieur même de l ’homme la source des idées religieuses,
c’est rendre la révélation superflue.
Si Dieu avoit résolu de révéler à l ’homme une religion particulière,
celui-ci avoit besoin d’être susceptible de cette révélation au moyen
d une disposit ion naturelle. Que l’on essaie tous les moyens imaginables
de donner à un idiot des idées de Dieu et delà religion; c’est vouloir
faire d un animal quelconque un architecte ou un poète; les dispositions
naturelles, la réceptivité, manquent a 1 un commeà l autre. De même le
germe des sublimes leçons de la révélation fussenttombées dans un terrein
pierreux, si l’homme n’avoitété rendu susceptible de se féconder parles
dispositions que lui a données le créateur.La révélation a guidé ses pas
dans le chemin où son penchant uuturelà l'idolâtrie l’égaroit dausles téy