
moins remarquables. Elles commencent tous leurs récits en indiquant
l’année et le jour. Ce quelles savent le mieux de l’histoire, ce sont les
époques. Le jésuite Denis Petau s’appliqua surtout à la chronologie, et
se fit dans ce genre un nom qui éclipsa celui de presque tous les savans
de l’Europe. Dans sa gravure, l’organe des nombres est très-apparent.
Le senior Degmayer, à Augsbourg, est généralement connu par sa
facilité pour retenir les dates de tous les événemens, les jours de
naissance, de mariage, de décès, etc. Dès son enfance , il avoit un penchant
décidé pour les mathématiques ; aussi en a-t-il la marque extérieure
très-prononcée. Je demande si cette faculté tient aux sens des
nombres, du calcul, ou s’il faut chercher pour elle un organe particulier?
Il est des personnes qui, en se couchant, sont capables de fixer exactement
le temps quelles vont dormir, et se réveillent précisément au
moment quelles avoient fixé. Certains musiciens, quoiqu’ils aient un
grand talent pour la musique, ne peuvent jamais observer la mesure :
d’autres, au contraire, sans avoir du talent pour la musique, ne la
manquent jamais; de sorte que cette différence paroît constituer
une variété essentielle de musiciens. Il est aussi des individus qui n’ont
aucun sentiment du rhythme des vers non rimés. On voit des gens qui
trouvent une jouissance particulière dans une collection de montres et
de pendules, et il faut que toutes marchent avec la plus grande exactitude.
Il paroît qu’il n’existe plus de temps pour ces aliénés, qui restent,
pendant des journées et des semaines entières, toujours à la même
place. Un aliéné, à Vienne, n’avoit qu’une idée fixe ; c’est-à-dire que
c’étoit toujours le 17 octobre. Il arrive souvent, dans l’aliénation mentale
comme dans d’autres maladies graves, que l’idée du temps est complètement
abolie. Lorsque ces malades se rétablissent, ils commencent à
compter le temps du moment où ils ont recouvré le sentiment distinct de
leur existence. Après vingt-sept années de réclusion et de manie, une
dame éprouva une révolution favorable au moral. Son délire et sa fureur
ont été continués durant cet espace de temps , au point de déchirer ses
vêtemens, de rester nue, etc. Au moment de la cessation de son délire, elle
a paru sortir comme d’un rêve profond, et a demandé des nouvelles
de deux enfans en bas-âge qu’elle avoit avant sou aliénation, et elle
ne pouvoit concevoir qu’ils fussent mariés depuis plusieurs années
Les animaux ont-ils aussi la mesure du temps ?
« Les animaux, dit Buffon, ne peuvent avoir aucune idée du temps,
aucune connoissance du passé , aucune notion de l'avenir »i •'
Déjà G.-G. Leroy a très-bien réfuté cette assertion de Buflon.
Ce qui fait pour nous la mesure du temps, c’est la succession des
idées ou sensations dont nous avons été frappés, et qui laissent quelque
trace dans notre mémoire. Il est sûr que les animaux ayant moins d’idées
que nous, il doit y avoir moins de degrés marqués sur l’échelle avec
laquelle ils mesurent le temps. Mais il faut bien qu’ils en aient l’idée,
puisqu’ils en prévoient et en marquent les retours périodiques.
Tous les animaux qui se lèvent à certaines heures pour manger, et
il y en a beaucoup, y sont fidèles, non pas cependant comme une horloge
qui sonne les heures, mais avec les modifications que les circonstances
de la saison , ou même de la journée, peuvent occasionner dans
leur volonté.
Lorsque la terre, découverte par la récolte entièrement faite, a forcé
les faisans de se rassembler aux remises dans lesquelles on les conserve,
c’est-à-dire environ vers le premier de septembre, ils vivent rassemblés
en troupe, et alors ils sortent du bois deux fois par jour pour chercher
leur nourriture; ce qu’on appelle aller au gagnage. Tous à-peu-près
ensemble s’acheminent au lever du soleil. Lorsque celui-ci commence
à monter sur l’horizon, leur repas étant bientôt fait, parce qu’alors la
nourriture est abondante , la chaleur qui se fait sentir les invite à
rentrer aux bois. Ils en sortent ensuite entre cinq et six heures, et leur
souper dure jusqu’à la nuit. Si la chaleur est moins grande, et si la
nourriture est moins abondante, le départ a lieu un peu plutôt. Lorsque
la nourriture devient rare, et que les jours sont plus courts, les faisans
ne sortent plus qu’une fois par jour vers neuf ou dix heures du matin,
et leur repas dure alors jusqu’au' coucher du soleil. Comment ces oiseaux
1 Pinel, Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale, p. 88.