
civiles et religieuses sont dues en grande partie à 1 instinct de la propagation,
à l’amour de la progéniture, à la propre défense, au sentiment
de propriété, à la vanité, à l’ambition, au désir d’indépendance
et de domination.
Qu’on se rappelle ce que j ’ai dit à l’occasion de chaque organe, de
la sphère de son activité, et l’on aura l’aperçu général de toute l’histoire
naturelle de l’homme moral. J’y ai consigné les raisons pourquoi
tel homme s’applique aux arts et aux sciences, tandis que tel autre
trouve son bonheur dans l’inertie et dans l’ignorance ; pourquoi du
Bramin jusqu’à l ’anthropophage, de l’esclave jusqu’au despote, du crédule
le plus superstitieux jusqu’à l’incrédule le plus arrogant, chacun
se croit en possession d’excellens motifs de sa croyance et de sa conduite.
Faites agir les qualités et les facultés fondamentales de l ’homme
avec énergie, et vous connoîtrez les motifs de toutes les extravagances
des passions, de toutes les merveilles du génie, de tous les efforts de
la vertu et de la scélératesse.
Jusque là les actions des hommes ne sont guère moins instinctives que
celles des animaux. Avec les qualités et les facultés et le degré de leur
activité, les motifs sont connus; les actions elles-mêmes ne sont plus
difficiles à deviner. Le modeste artiste mille fois humilié par l ’opulence,
continuera à cultiver les arts; le bienveillant, mille fois affligé
par l’ingratitude, sera toujours entraîné vers les actes de bienfaisance;
le téméraire, criblé de blessures, se précipitera toujours dans le combat.
Ainsi l’homme a , dans la plupart des cas, moins de part à ses
actions que la nature.
Mais rendez-lui toutes ses prérogatives ; faites-le agir avec raison et
avec volonté. Dès ce moment, il se présente comme un agent moralement
libre. Quiconque voudra prévoir ou juger ses actions, devra
connoître non-seulement ses dispositions naturelles, mais aussi tous
les élémens extérieurs qui concourent à ses déterminations; les actes
de la raison et de la volonté sont souvent diamétralement opposés
aux instigations des désirs, des besoins et des passions.
11 s’en suit, comme je l’ai dit ailleurs, qu il faut cultiver les qualités
et les facultés intérieures ; multiplier, ennoblir et renforcer les
motifs extérieurs, si toutefois l’on veut obtenir des actes raisonnables
et volontaires. Il s’ensuit, en dernier ressort, que les vertus et les crimes
des hommes peuvent être aussi bien imputés à ceux qui sont chargés
de leur éducation et de leur gouvernement, qu’à ceux qui se montrent
Vertueux ou criminels.
Objectera-t-on encore que toutes les qualités et toutes les facultés
constituent le moi de l ’homme; que toute satisfaction d’un désir, d’un
penchant, d’une passion quelconque, se rattache à son intérêt et à
son amour-propre, et que, par conséquent, tous les motifs de ses actions
se réduisent à l’intérêt et à l’amour-propre? Je répondrai que
la manie des philosophes , d’abstraire et de généraliser, a aussi enfanté
la fausse théorie qui regarde toutes les qualités morales et toutes les
facultés intellectuelles comme de simples nuances d’un seul et unique
principe de la sensibilité; de même que la sensibilité seule ne suffit
point pour expliquer le mouvement volontaire, les diverses fonctions
des cinq sens, les diverses qualités morales et facultés intellectuelles:
de même l’intérêt et l’amour-propre, comme seulsmotifs de nos actions,
ne suffisent point pour rendre raison, ni des actes instinctifs, ni des déterminations
volontaires et raisonnables des hommes.
De l ’origine des arts et des sciences et des différens e'tats.
Presque tout le monde attribue l’origine des arts, des sciences et
des différens états, ou au hasard, ou aux besoins, ou à la réflexion.
L ’on fait naître de ces sources mêmes les premières occupations indispensables
des hommes. La chasse et la pêche, dit-on, ont été inventées
parce que les fruits que la terre produit sans culture, se trouvèrent
insuffisaos pour nourrir les familles,; lorsque les familles, continue-
t-on , se sont augmentées au point de former des hordes et des peuplades,
celles-ci ont été obligées d’avoir recours à l’agriculture ; les