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la doctrine sur l'existence d’un dieu est l’ouvrage de la prudence humaine,
un artifice deslégislateurs,pour conduire lespeuplesparlàcrainte,
parl’imposture etparla superstition. Interrogez l’histoire despeuplessur
l’origine de leurs croyances; il n’en est pas un qui ne se glorifiât d’une
origine surnaturelle, d’une révélation divine de ses mystères religieux.
Ne voulant traiter ce noble sujet qu’en qualité de naturaliste et de
physiologiste , je me bornerai à examiner si l’homme, au moyen de son
organisation, a été préparé à la croyance en une intelligence indépendante,
en Dieu et à des sentimens religieux, à un culte religieux.
Historique.
Nous étions dix enfans dans la maison de mon père; mes frères et
soeurs et moi nous reçûmes tous la même éducation , mais nos facultés
et nos penchans étoient très-différens. L ’un de mes frères , depuis sa
plus tendre enfance avoit un grand penchant pour la dévotion. Ses
jouets étoient des vases d’église qu’il sculploit lui - même, des chasubles
et des surplis qu’il faisoit avec du papier. 11 prioit Dieu et disoit la
messe toute la journée, et lorsqu’il étoit obligé de manquer le service
à l’église, il passoit son temps à la maison à orner et à dorer un crucifix
de bois. Mon père l’avoit destiné au commerce, mais il avoit de l’aversion
pour l’état de négociant, parce que, disoit-il, il met souvent dans le
cas de mentir. A l’âge de 23 ans, il n’y tint plus, ayant perdu tout espoir
de faire ses études , il s’enfuit de la maison et se fithermite. Alors, à ma
prière, mon père lui permit d’étudier. Cinq ans après, il reçut les
ordres, et jusqu’à sa mort, il vécu dans les exercices de la dévotion et
dans les mortifications.
Je remarquai dans les écoles, qu’indépendamment des autres facultés,
certains écoliers n’ont aucune réceptivité pour les instructions
religieuses, tandis que d’autres en sont très-avides. J’avois remarqué
aussi dans toutes les classes que ceux qui se destinoieutà l’état
ecclésiastique étoient, ou des jeunes gens studieux, pieux, honnêtes,
scrupuleux, ou bien de mauvais sujets paresseux, indolens et sans ta-
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Iens; ces derniers n’avoient d’autre intention que d’être nourris aux
dépens de leurs concitoyens; les premiers au contraire se sentoient une
véritable vocation pour l’état auquel ils aspiroient. Cette inclination
naissoit en eux, sans que l’on sût comment, et sans qu’on pût l’attriuer
ni a 1 exemple, ni à 1 éducation, ni aux objets environnans; la plupart
de ces jeunes gens se destinoient à cette carrière contre l’intention
de leurs parens et de leurs instituteurs.
Plus tard, à peine quelques qualités ou facultés fondamentales eurent
elles fixé mon attention, que je me rappelai les observations que
j avois faites dans mon enfance sur moi-même et sur mes condisciples.
J examinai la forme de tête des personnes qui se distinguoient par leur
dévotion, car j’étois déjà persuadé alors que le penchant à la piété et
aux exercices de dévotion est inné. Je visitai les églises de toutes les
sectes et je m’attachai surtout à observer les têtes de ceux qui prioient
avec le plus de ferveur on qui étoient le plus absorbés dans leurs
pieuses contemplations.
Je fus frappé d’abord de la circonstance que les dévots les plus fer-
vens que j àvois vus, etoient presque toujours chauves. Cependant je
me demandai, qu’est-ee que la calvitie peut avoir de commun avec la
dévotion? Les femmes sont très-rarement chauves, il y a pourtant pi us de
dévotes que de dévots. Je ne tardai pas à remarquer que les têtes chauves
souvent vont en s’élevant jusqu’au sommet, et c’est précisément cette
forme de tête qui m’avoit frappé la première. Dès que par un nombre
considérable d’observations je me fus convaincu, que la plupart des
personnes dévotes ont la tête ainsi conformée, je parcourus les couvens
et j’observai les moines, ayant grand soin de recueillir en même temps
des renseignemens exacts sur leur caractère moral. Mes observations
se confirmèrent chez ceux qui faisoient les fonctions de prédicateur et
de confesseur, mais pas toujours chez les servans, tels que sommeliers,
cuisiniers, etc. Je fis les mêmes recherches sur la forme des têtes d’autres
ecclésiastiques. Je fus frappé surtout de la différence de conformation
qui existoit entre plusieurs ex-jésuites. Tous ceux qui s’appliquoient
aux exercices de dévotion avoient la tête très-élevée vers le sommet. Je