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pus donc présumer que j’avois découvert l’organisation qui prédispose
à la dévotion , qui donne naissance aux sentimens religieux.
J’ai remarqué en même temps que les portraits des Saints et des
ecclésiastiques, connus par leur zèle dans leurs fonctions religieuses,
ont toujours la tête fort élevee dans son sommet.
Déjà les anciens artistes ont représenté les grands-prêtres, les sacrificateurs
avec des têtes vénérables ainsi conformées.
Avant de citer mes observations ultérieures que j’ai toujours continué
de multiplier, je vais exposer l’histoire naturelle de la croyance en
Dieu, et du penchant à un culte religieux. J’espère produire par-là dans
mes lecteurs, la conviction que le sentiment de ces deux augustes objets
est inhérent à notre nature ; qu’il est par conséquent un sentiment
primitif, fondamental, auquel une partie du cerveau de l’homme est
particulièrement affectée.
Histoire naturelle de l’homme, relativement à sa
croyance en Dieu et a son penchant a une religion.
Par tout, et dans tous les temps, l’homme, pressé par 1 e sentiment de
la dépendance où il est de tout ce qui l’environne, est forcé de recon-
noître à chaque instant les bornes de son pouvoir et de s’avouer à lui-
même que son sort est soumis à une force supérieure. De là le consentement
unanime de tous les peuples à adorer un etre suprême; de la
un besoin toujours vivement senti de recourir à lui, de l’honorer et
de rendre hommage à sa supériorité
Les hommes durent nécessairement se former des coneeptions très-
élevées de la première des puissances. L ’idée qu’ils dévoient en avoir,
étoit celle d’un Être supérieur à tout le reste, d’un esprit répandu dans
tout l’univers, qui anime tout, qui soutient tout par sa présence, qui est
le principe de toute génération et qui donne la fécondité à tout; c étoit
l ’idée d’une flamme pure et toujours active, d’une intelligence infiniment
sage, dont la providence veille sans cesse à tout et s’étend sur
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tout; en un mot, d’un Être, auquel, en raison de son indépendance et
de sa supériorité, ils avoient donné des noms différens; mais toujours
des noms qui répondent à quelqu’une de ses perfections infinies et qui
portoient,toujours le caractère de ce domaine souverain qui n’appartient
qu’au maître absolu de toute chose.
A cette idée des anciens répondent parfaitement celles des nations
idolâtres, qui subsistent encore; les termes de leur langue désignent
manifestement un Être supérieur. Ce ne sont pas seulement les nations
policées qui ont ces marques de connoissance d’un premier être, tels
que sont chez les Chinois, le Tien-Chu, c’est-à-dire, le maître du ciel,
et le Xang-Ti, le souverain empereur et le souverain maître : chez les
Indiens, le Kertar, celui qui a fait toutes choses, e lle Serjenhar, le
créateur du monde : chez les peuples du Pérou, le Pachacamac, ou
lLtre suprême , et le Viracocha qui est le'Dieu-Créateur. Les mêmes
vestiges se voyent également chez toutes les nations qui passent pour
barbares. Généralement toutes celles de l’Amérique, soit errantes, soit
sédentaires, ont des expressions fortes et énergiques, qui ne peuvent
marquer qu’un Dieu; elles le nomment le grand esprit, quelquefois le
maître et 1 auteur de la vie. Il n’est pas jusqu’aux Ouraouars, lesquels
entre tous ces peuples , paroissent les plus bruts et les moins spirituels,
qui dans leurs invocations et leurs apostrophes , ne le nomment
souvent le Créateur de toutes choses.
Ce grand esprit connu chez les Caraïbes , sous le nom de Chemien
sous celui .de Manitou chez les nations Alegonquines, et sous celui
A’Okki chez celles qui parlent la langue Huronne, est désignée d’une
maniéré plus singulière, et qui ne s’applique qu’à lÊtre supérieur,
par le nom d’Areskoui chez les Hurons, et par celui d’Âgriskoue,
chez les Iroquois.
Tel est donc le sentiment de la divinité, qu’il n’y a pas une seule
nation, quelque barbare, quelque dépourvue de lois ou de moeurs
qu elle puisse être, qui ne croie qu’il y a des dieux La croyance en
■ Nec ulla gens usquam est adeo extra loges moresque posita ï ut non alicmot
deos credat. Seneca , epist. 117.