
assure même, qu’au moyen d’un sens interne, il a des 'notions précises
des couleurs, et il est de fait qu’il en détermine l’harmonie avec
exactitude. Il a un assez grand nombre de perles de verres de couleurs;
il en forme différentes figures, et l’ordonnance des couleurs est toujours
harmonique. Il nous dit, entre autres, que toutes les fois qu’il met beaucoup
d’application à ordonner, à arranger les couleurs d’un tapis, il sent
une douleur immédiatement au-dessus des yeux, surtout au-dessus de
l’oeil droit. La région que je viens d’indiquer ci-dessus est avantageusement
développée chez cet homme.
« M. Devoyer, né presque aveugle, qui n’a jamais vu des tableaux
quà laide d’une lorgnette, passe pour un connoisseur ' ».
Maintenant, que l ’on compare les plus grands peintres qui ont excellé
dans le'coloris, avec d’autres peintres également distingués, mais qui,
sous le rapport de cette partie, n’ont pas égalé les premiers. Qoe l’on
compare le Titien, PL LX X X V , fig. 2 ; le Corrège , Rubens, fig. 3 ;
Claude Lorrain, Van-Dick, Paul Véronèse, Giorgion , Rembrandt,
fig. 4 ; Téniers, le Tintoret, avec le Poussin, Lesueur, Raphaël, fig. 5 ,
Michel Ange, fig. 6; Lebrun, Joüvenet. Dans le portrait des premiers,
on verra toujours l’arc superciliaire fortement relevé dans son milieu;
chez les derniers, au contraire, cet arc a une direction presque horizontale,
depuis la racine du nez jusque vers le milieu de l’arcade supérieure
de l’orbite ; il est aplati ou déprimé, tandis que chez les premiers,
cette région se bombe de plus en plus en approchant du milieu de l ’arc
superciliaire \
L ’organe du sens des couleurs est, d’ordinaire, plus développé chez
les femmes que chez les hommes. Delà, il arrive que les sourcils forment
assez ordinairement un arc de cercle chez les femmes ; ceci explique
pourquoi elles sont plus susceptibles que les hommes, de recevoir
une impression agréable d’un heureux choix de couleurs ; pourquoi 1
1 Correspondance littéraire du baron Grimm, vol. I I, p. 101.
* Dans ce que je dis du mérite des peintres,, comme coloristes , j’ai pris pour
guide la balance des peintres de Dépille , rectifiée par M, Sobry,
elles aiment tant tin habillement à plusieurs couleurs, et pourquoi elles
sont plus souvent que nous amateurs de fleurs. Une femme préférera
toujours, qu’il soit question d’elle-méme ou de ses amis, un portrait colorié
à un plâtre, Ceci fait concevoir encore pourquoi les femmes artistes
qui, à tout autre égard, n’égalent que très-rarement les hommes de
génie , se mettent quelquefois au niveau des plus grands peintres pour
le coloris. Angélique Kaufmann, fille du fameux Ruisch, en est un
exemple.
Le sens des couleurs explique plusieurs phénomènes qui resteroient
à jamais inexplicables sans l’organologie. J’avoue que pour parler pertinemment
de tous les objets qui rentrent dans le domaine de la physiologie
du cerveau , il me faudroit faire des traités beaucoup plus complets
que mon ouvrage ne le comporte ; il me faudroit des connoissances
presque universelles, chose impossible, mais qui doit engager un jour
les connoisseurs à. faire l’application de l’organologie à chaque partie
en particulier. Je fournirai, en attendant, un petit extrait d’observations,
que M. le docteur Gambs,’ de Francfort, a eu la complaisance
de nous communiquer.
i°. Si nous portons notre attention sur les peintres, en général, nous
en remarquerons deux classes qui se distinguent essentiellement l ’une
de l’autre. La première est formée par les peintres d’histoire; la seconde
par les paysagistes, auxquels il faudroit joindre les peintres
d’animaux, de fleurs , et de fruits; et tous ceux, en général, qui prennent
dans la nature les objets que rend leur pinceau. Il est à remarquer
que les premiers, qui font surtout leur étude de l’anatomie, de l ’histoire,
des antiquités, des ouvrages des maîtres tant anciens que modernes
, qui par conséquent sont obligés d’étudier à la fois la nature et
l’art, ont besoin, à un plus haut degré que les seconds, du sens des
arts, et que par conséquent l’organe des arts, dont je traiterai plus
bas, doit être plus développé chez eux.
Comme cet organe des arts est placé assez loin de l ’organe du sens
des couleurs , cette circonstance explique peut - être pourquoi les
peintres d'histoire ont été rarement bons coloristes; pourquoi quel-
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