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dillaç et ses imitateurs se sont d’abord assez familiarisés avec la nature
morale et intellectuelle du règne animal? Il ne valoit pas la peine d’écrire
tant de volumes pour prouver que les idées accidentelles des objets du.
monde extérieur ne peuvent pas exister avant que ces objets aient été
sentis. Mais ces aptitudes industrielles, ces instincts, ces penchans,
et ces facultés que les animaux et que l’homme aussi apportent au
monde , qui s’exercent et qui se manifestent , sans aucune instruction
préalable, sans aucun concours du monde extérieur, d’une manière
parfaite et souvent très-énergique, d’où viennent-ils, s ils ne sont pas
innés? La toile de l’araignée, les cellules héxagones des abeilles, les
galeries souterraines des fourmis, l’entonnoir du fourmilion, les nids
des oiseaux et devant de mammifères, la cabane du castor, quelles
sont les sensations qui les aureient pu faire naître»R;Et les affections,
la colère, la joie , la frayeur, le chagrin , la jalousie, quelle vertu enchanteresse
d’une sensation quelconque a pu leur imprimer ce caractère?
Il en est exactement de même des penchans et des facultés. Ce
iie sont nullement les sensations accidentelles qui leur donnent 1 existence.
Ils existent indépendamment de toute sensation d objets extérieurs;
ils existent même indépendamment de toute faculté generale.
Ce sont eux qui, relativement aux êtres vivans, donnent une existence aux
objets extérieurs. Sans ces penchans et ces facultés, rien dans l’univers ne
seroit ni senti ni connu. La femelle ne réveille pasd instinct de la propagation
; les petits ne sollicitent point les soins de leurs parens ; la proie la
plus délicate ne provoque point l’instinct carnassier, là où l’instinct delà
propagation, celui de l’amour de la progéniture et celui du carnage ne
sont pas antérieurement imprimés à l’organisation. Il n’y a point d objets
d’honneur et de fierté, point de circonspection, point de musique, point
de mathématiques, point de poésie, point de bienveillance ; il n y a meme
point de Dieu pour les êtres dont l’organisation n’ést pas originellement
empreinte de ces facultés déterminées. Sans organe intérieur et sans
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disposition naturelle, point de rapport avec aucune partie du monde
extérieur. Si les objets extérieurs mettent des penchans ou des facultés
en action, c’est que ces penchans et ces facultés attendoient
que ces objets se présentassent; ce sont les penchans déterminés et
les facultés déterminées qui vont à la rencontre de leurs objets relatifs ;
c’est cette affinité préétablie qui unit, qui fond certaines parties du
monde extérieur avec notre monde intérieur.
Ainsi le caractère moral et intellectuel de l ’homme et des animaux n’a
pas été livré aux égaremens du raisonnement,ni à aucune autre faculté générale;
et si les philosophes persistent à dire que l’homme ne vient
pas au monde pourvu d’idées, riche de connoissances; que l'ignorance est
son état primitif; qu’il ne peut en sortir qu’à mesure que la vivacité du
sentiment réveille les facultés, qui doivent lui former une intelligence ;
que des connoissances antérieures à tout sentiment sont une chimère ;
que nous ne savons qu’autant que nous avons senti, et qu’autant que
nous avons appliqué les facultés de notre esprit à nos différentes manières
de sentir; que nous ne savons que ce que nous avons appris,
toutes ces propositions ne sont applicables qu’aux connoissances et
aux idées que l homme et les animaux puisent dans les objets accidentels
du monde extérieur. Toutes, au contraire, portent à faux , quand
il s’agit des penchans primitifs et des facultés primitives. La nature
morale et intellectuelle des hommes et des animaux a été tracée d’une
manière invariable par leur auteur, et des influences générales et des
circonstances extérieures, qui peuvent bien modifier le chêne, ne sauraient
ni former, ni détruire son caractère essentiel.
Après tout ceci, est-il un langage plus superficiel que celui d’un
autre adversaire des dispositions innées : « Et ces protubérances des
poètes, des musiciens, des géographes, des peintres, etc., ne sont-
elles pas bien ridicules? Ne savons-nous pas que le hasard , la fantaisie
ou l’intérêt des parens, la fortune ou les circonstances décident