loup ; le loup plus que le chien ; le chat angora est plus doux que le
chat commun. Et dans les singes, quelle méchanceté chez les babouins,
et quelle douceur de caractère chez l’orang-outang et dans plusieurs
variétés des guenons. La même différence se manifeste chez les oiseaux.
La pintade est bien plus méchante que la poule de nos basses-cours;
le coucou, quoique dépourvu d’armes, devient très-méchant, pour
peu qu’on l’irrite; il y a des variétés de perroquets que l’on ne peut,
par aucun moyen, déshabituer de mordre ; il y en a d’autres qui caressent
tout le monde, et qui veulent toujours être caressés.
Etendons maintenant nos comparaisons aux individus de la même
espèce. Qui ne connoît des taureaux, des vaches, des boeufs, des brebis,
des chèvres, des chiens, des chats, des coqs extrêmement méchans,
sans que l’on puisse attribuer leur méchanceté à des circonstances extérieures
, telles que l’éducation, etc.? J’ai déjà parlé de deux de mes
chiens, dont l’un-étoit aussi bon que l’autre étoit méchant. Ilsprove-
noient d’une portée de cinq petits. Avant même que leurs yeux fussent
ouverts, je remarquai en eux une conduite très-différente : l’un, lorsqu’on
le prenoit dans les mains, témoignoit, par ses mouvemens, qu’il
étoit content; l’autre grognoit, crioit et se débattoit jusqu’à ce qu’on
le remît à sa place. A peine avoient-ils quinze jours, que l’un témoignoit
par les mouvemens de sa queue son contentement et sa bienveillance,
non-seulement aux autres petits chiens, mais à toutes les personnes
qu il’approchoient. L ’autre, au contraire , grognoit sans cesse,
et mordoit tout ce qui se trouvoit à sa portée. Dès-lors, j’observai attentivement
ces deux animaux. Comme je n’ignorois pas que l’on attribue
à l’éducation de semblables différences de caractère, je chargeai tous
ceux qui approchoient habituellement ces deux chiens de leur prodiguer
des caresses à l’un comme à l’autre. Moi-même, je me donnai toutes
les peines imaginables pour adoucir le caractère de mon petit méchant,
mais rien ne put le faire changer; il mordoit jusqu’à sa mère, pour
peu que celle-ci le dérangeât. Dans leur sixième mois, ils furent attaqués
d’une maladie; et avec quelque douceur quon les traitât ,-l un
et l’autre, le méchant ne cessa de grogner jusqu’à sa mort, et de mordre
tout ce qui l ’approchoit. L ’autre, au contraire , ne cessa , jusqu’à son
dernier moment, de donner des marques d’attachement et de recon-
noissance à ceux qui le soignoient. Mes domestiques même étoient
extrêmement frappes, de la différence de caractère de ces deux chiens.
Toutes les personnes qui ont fait couver des serins , auront remarqué que
dans la meme couvee, il s en trouve d’un caractère méchant et hargneux;
et d’autres qui sont doux et bons.
On a tort de dire que seulement l’initiative du sentiment de la bienveillance
existe chez les animaux, et que ce sentiment, chez eux, se
borne à une douceur passive '. Il est certain que plusieurs animaux sont
tellement dominés par cet instinct, qu’ils risquent même la vie pour
sentre-aider dans les dangers les plus imminens. Les cochons, les
singes, les chiens,plusieurs animaux de mer, plusieurs espèces-d’oiseaux,
se prêtent des secours mutuels, et s’avertissent d’un péril par des cris
d alarme. Dupont de Nemours raconte le fait suivant : « J'ai vu une
hirondelle, dit-il, qui s’étoit malheureusement pris la patte dans le
noeud coulant d’une ficelle, dont l’autre bout tenoit à une gouttière
du collège des Quatre-Nations. La force épuisée, elle pendoit et crioit
au bout de la ficelle qu’elle relevoit quelquefois en voulant s’envoler.
Toutes les hirondelles du vaste bassin entre le pont des Tuileries et
le Pont-Neuf, et peut-être de plus loin, s’étoient réunies au nombre
de plusieurs milliers. Elles faisoient nuage; toutes poussent le cri
d’alarme et de pitié. Après une assez longue hésitation, et un conseil
tumultueux, une d entre elles inventa un moyen de délivrer leur compagne;
le fit comprendre aux autres, et en commença l’exécution. On
fit place : toutes celles qui étoient à portée vinrent à leur tour, comme
à une coursé de bague, donner en passant un coup de bec à la ficelle.
Ces coups, dirigés sur le même point, se succédoient de seconde en
seconde, et plus promptement encore. Une demi-heure de ce travail
fut suffisante pour couper la ficelle et mettre la captive en liberté. Mais
la troupe, seulement un peu éclaircie, resta jusqu’à la nuit, parlant
‘ Plirænologie, par M. Spurzheim , p. 190.