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guet, attaque l'animal , le poursuit et le met hors d’haleine lorsque
la louve, qui d’avance s’étoit placée à quelque endroit, le reprend
avec des forces fraîches, et rend en peu de temps le combat trop
inégal.
Il est facile de faire tomber dans le piège un jeune renard sans expérience
; mais sitôt qu’il est instruit, les mêmes moyens deviennent inutiles.
11 n’est point d’appât qui puisse faire braver alors au renard le
danger qu’il reconnoît ou qu’il soupçonne. 11 évente le fer du piège; et
cette sensation, devenue terrible pour lu i, 1 emporte sur toute autre impression.
S’il aperçoit que les embûches soient multipliées autour de lu i,
il quitte le pays pour en chercher un plus sur. Quelquefois cependant,
enhardi par des approches graduelles et réitérées, guidé par le sentiment
de son nez, il trouvera le moyen de dérober légèrement et
sans s’exposer, un appât de dessus un piège. Lhomme avec toute
son intelligence a besoin lui-même de beaucoup d expérience pour
n’être pas mis en défaut par la prudence et les ruses du renard.
Lorsque le cerf a été plusieurs fois inquiété dans son asile , il
met à le cacher un art qui ne peut être que le fruit des vues les plus
fines et des réflexions les plus compliquées. Souvent il change de
buisson en raison du vent, pour être à portée de sentir et d entendre
ce qui peut venir le menacer de dehors. Souvent au lieu de rentrer
d’assurance et d’aller droit se mettre à la reposée, il fait de faux rembû-
chemens, il entre dans le bois , il en sort, il va et revient sur ses voies à
plusieurs reprises. Sans avoir d’objet présent d inquiétude, il fait les
mêmes ruses qu’il feroit pour se dérober à la poursuite des chiens s il
se sentoit chassé par eux.
J’ai parlé ailleurs des moyens que les cerfs et les lièvres mettent
en usage pour se soustraire à la poursuite des chasseurs et des chiens.
Du reste, il n’est pas de chasseur qui ignore combien il est facile de
surprendre ces animaux dans les contrées où ils ne sont point inquiétés
d’ordinaire; mais du moment où l’expérience les a instruits des
dangers qui les menacent, le chasseur a besoin de multiplier et de
varier ses moyens. IJous sommes journellement à même de juger la
différence qu’il y a entre un cheval dressé et un cheval qui ne l’est
pas, des changemens que l’éducation apporte aux moeurs des chiens.
Quiconque a un peu observé les animaux doit leur accorder un certain
degre de perfectibilité, dont j’ai cité grand nombre d’exemples dans
cet ouvrage. On ne saurait nier qu’ils conservent le souvenir de faits
antérieurs, qu’ils en tirent parti dans la suite pour se déterminer dans
leurs actes; qu’ils comparent, qu’ils réfléchissent, qu’ils jugent, que
dans des cas imprévus ils prennent des déterminations très-bien adaptées
à la circonstance. Tout cela ne peut point être l ’impulsion d’un instinct
aveugle; il faut donc convenir que, jusqu’à un certain point, ils
sont doués d’entendement. Mais comme cet entendement n’est que la
faculté de modifier la manifestation de leurs instincts naturels d’après
des circonstances accidentelles, il s’ensuit qu’il y a une dose d’entendement
propre à chaque espèce, et en vertu de cette loi chaque espèce
reste confinée dans le cercle que la nature a originairement tracé autour
d’elle. Mais il est toujours certain que les animaux exercent leurs facultés
avec plus ou moins d’intelligence , d’entendement.
Examinons maintenant les questions, savoir : L’homme aussi agit-il
pa
l’impulsion de l ’instinct, ou obéit-il uniquement à sa raison?
Est-il l’auteur de sespenchans, ou ceux-ci sont-ils aussi involontaires
à l’homme qu’à l’animal ?
Je ne parle pas de cesmouvemens automatiques, que quelques auteurs
confondent avec l’instinct, et que l’homme et l’animal font à leur
insu, avant qu’aucune préméditation ait pu y concourir; par exemple,
que nous reculons subitement à l ’aspect d’un danger; et qu’en tombant
nous étendons les bras, ou pour tomber sur les mains, ou pour soutenir
l’équilibre. Je parle des penchans instinctifs, de vrais instincts.
J’ai prouvé dans la section sur les dispositions innées et en traitant
des qualités et des facultés fondamentales, que l’homme n’invente
ni ne crée ses penchans et ses facultés. Je ne sais sur quel degré
d’ignorance se fondent les assertions de cette philosophie orgueilleuse
qui prétend soustraire l’homme à toutes les lois qui régissent le
règne animal. Lorsque l’homme ressent l’amour physique, et qu’il chei>
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