
On parvient bien à dompter par la faitn et parles caresses, des individus
d’espèces les plus sauvages ; on réussit à les familiariser avec
soi par l’habitude: mais à peine l’animal se sent-il débarrassé des entourages
auxquels il étoit habitué, que la nature reprend ses droits, et
triomphe en lui. Le tigre de Tippoo-Saïb , après avoir été dressé à la
chasse, ne tarda pas à se livrer à son instinct naturel. Ainsi, quoiquil
soit possible de faire de certains individus des animaux privés, on
n’en fera pas pour cela des animaux domestiques. Tous ces faits prouvent
que ce n’est nullement par la supériorité de son intelligence que
l’homme s’est arrogé l’empire sur certaines espèces d animaux, et il
faut avouer que, si le taureau, le cheval, le cochon, le mouton , etc., se
sont associés aux besoins et aux travaux de l’homme, on doit en chercher
la cause ailleurs que dans sa volonté et dans ses calculs.
11 est certain que les animaux qui vivent dans une pleine et entière
liberté, olfrent de grandes différences sous le rapport de la facilité
qu’il y a de les apprivoiser et de les rendre domestiques. En Egypte,
les chiens sont regardés comme immondes, et personne »’en prend le
moindre soin. Malgré cela, ils errent par troupeaux daDs les villes et
dans les villages. D’autres espèces d’animaux, sans se qualifier domestiques,
recherchent pourtant le voisinage de l’homme ; ils s’établissent
ou dans ses jardins ou même ausein de ses habitations, tandis que d’autres
espèces affectent de fuir au loin. Plusieurs espèces d’hirondelles, le
moineau franc, le choucas, l’émerillon, la cigogne blanche, etc,, s’établissent
dans nos tours, nos clochers, nos maisons, nos jardins, tandis
que d’autres espèces d'hirondelles, que le friquet ou le moineau des
bois, le corbeau, les faucons ordinaires , la cigogne noire, préfèrent
les lieux écartés, et nichent dans les forêts, etc. : preuves toujours renforcées,
qu’ici comine en tout la nature a 1 initiative.
Et par quel moyen la nature exerce-t-elle xette influence si variée
sur les animaux ? c’est par le plus ou le moins de développement des
parties cérébrales, en vertu desquelles les animaux acquièrent plus ou
moins de facilité d’être élevés et perfectionnés.
Que l ’on compare la tête du sanglier avec celle du cochon , la tete
duchamois avec celle de la chèvre,la tête delà cigogne noire avec celle
de la cigogne blauche; qu’on compare l’hyène, le chacal et le loup avecle
chien, le lapin sauvage avec le lapin domestique, le chat sauvage avec
le chat domestique, les pigeons sauvages avec les pigeons domestiques,
le moineau franc avec le friquet, le serin jaune avec le chardonneret,
l’oie et le canard sauvages avec l ’oie et le canard domestiques : toujours
on trouvera la région indiquée du cerveau et du crâne plus bombée
plus élevée dans l’animal domestique et plus aplatie, plus déprimée
dans l’animal sauvage. Voy. PI. LVII, fig. 6, canard sauvage; fig. y ,
Canard domestique; fig. 8, pigeon sauvage, ramier; fig, 9, pigeon domestique.
Le chat angora, naturellement plus apprivoisé et plus doux que le
chat commun, a cette région sensiblement plus proéminente que ce
dernier.
A Gcettingue , nous vîmes, chez M. le professeur Blumenbacli, une
mouette de la grosse espèce. Nous jugeâmes par la belle élévation du
front, qu’elle devoit être très-facile à apprivoiser. M. Blumenbach nous
dit que dès le premier jour qu’elle avoit eu une aîle cassée d’uu coup de
fusil, elle parcourut la maison comme un animal absolument privé. Plus
tard, nous apprîmes que dans certaines régions du Nord, la mouette est
en effet un oiseau domestique. Ainsi, le développement favorable de la
partie antérieure-inférieure-moyenne du cerveau, pourvu qu’il soit l’apanage
de toute l’espèce, permet toujours d’augurer, ou que la nature
l’a destinée à devenir domestique, ou au moins que les individus se
laissent très-facilement apprivoiser et instruire. Voyez le cerveau de l’éléphant,
PI. XXXV. De même, on peut affirmer d’avance avec certitude
que toutes les peines, pour habituer à l’état de domesticité des animaux
chez qui ces parties cérébrales sont peu développées, seront perdues.
Si dans les espèces d’animaux naturellement sauvages, celte même
partie du cerveau se trouve extraordinairement développée chez un individu;
celui-ci se distingue toujours de ses semblables par son caractère
doux et docile. J’ai déjà cité la tête d’un loup, remarquable par sa douceur
et sa docilité. J’ai aussi déjà parlé ailleurs des animaux féroces qu’on