
Je possède une collection considérable de crânes de chiens. La conformation
de chacun de ces crânes m’a confirmé les observations que
j avois faites sur l’animal vivant; mais je fais observer ici qu’il 11e faut
pas confondre les chiens de mauvaise humeur avec les chiens méchans.
11 y a des chiens qui cherchent partout à se battre, qui grognent toujours
mais ne mordent jamais; il existe, dans notre espèce, des caractères
semblables : des bourrus bienfaisans. Ce qui paroît au premier coup-
d’oeil méchanceté, est bien plutôt une humeur incommode, bizarre,
tracassière, que la méchanceté proprement dite : traits sous lesquels
déjà Xénophon a peint Xautippe.Toutes mes nombreuses têtes de chats,
dont j’ai connu le caractère sous le rapport de la douceur ou de la
méchanceté, confirment mon observation. Toujours les têtes des chats
méchans sont beaucoup plus déprimées, applaties à la région supérieure
antérieure que celles des chats d’un caractère doux, sociable.
Au jardin du Roi, nous avons fait à cet égardsurle tigre, la panthère,
l’hyène, et sur des bêtes fauves de plusieurs espèces, des observations
qui ne laissent rien à désirer. Les animaux qui ont la région indiquée
le plus déprimée, sont toujours aussi les plus méchans et les plus intraitables.
Qu’on compare la tête du cochon-d inde doué d’un naturel très-
doux , PI. LXVI, fig. 6, avec la tête du méchant hamster, fig. n • la tête
de celui-ci est tellement déprimée, qu’elle a l’air d’être cassée.
Les amphibies, les crocodiles, par exemple, ainsi que les poissons
carnassiers tels que le brochet et le requin, l’aigle, PI. LX1V, fig. n ;
le faucon , le chamois, PI. LXXIII, fig. 1, etc., ont cette région tantôt
plane, tantôt déprimée. La brebis, la chèvre, le chevreuil, PI. LXV
fig. 3 et 4 , au contraire, l’ont bombée en protubérance allongée.
Chez le coq, le serin, et chez beaucoup d’autres espèces dont j’ai
long-temps observé les moeurs, ce fait se confirme également.
On peut s’en rapporter en général à ce caractère, pour tous les animaux
chez lesquels la table interne de l’os frontal est parallèle à l’externe
, comme chez le cheval, le singe, le chien, et la plupart des espèces
d’oiseaux. Il en est autrement, lorsque la table interne s’écarte de l ’externe.
11 est donc nécessaire de connoftre la structure des os crâniens
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chez l’espèce sur laquelle on veut porter un jugement. Chez l'éléphant,
chez le cochon, etc., 1 on ne peut point inférer des contours extérieurs
du crâne pour la forme du cerveau. Chez le taureau et lai vache, la table
interne s écarte à la vérité aussi de l’externe, mais elles sont parallèles
dans la région où est placé l’organe de la bonté; et à cause de cela,
lorsqu’un taureau ou une vache a cette région déprimée, on peut en
conclure qu’ils sont méchans, et qu’ils.sont dpux lorsque celte région
est plane ou même bombée. La même chose à lieu chez les chats.
Ce que j’ai dit ci-dessus explique pourquoi le caractère d’animaux
qui ont reçu la meme éducation , et qui ont été environnés de même
peut cependant différer du tout au tout. La raison de cette différence
n’est point comme nous l’avons vu dans les objets extérieurs; elle dépend
d’une partie cérébrale particulière, dont le plus grand ou le
moindre développement lui-même, dépend non point des circonstances
extérieures, mais d’une loi de l’organisation originaire qui nous
est encore inconnue.
XXV. Faculté d’imiter, mimique.
Historique.
Un jour, que je m entretenois avec l’un de mes amis des formes de
la tête, celui-ci assura que la sienne en avoit une toute particulière. Il
dirigea ma main sur la partie supérieure-antérieure de sa tête. Je trouvai
cette région bombée en un segment de sphère très-considérable; e t,
derrière la protubérance, un enfoncement, une gouttière qui de chaque
côté descendoit vers l’oreille. A cette époque, je n’avois point encore
observé cette conformation. Cet homme avoit un talent particulier pour
limitation. Il imitoit d’une manière si frappante la démarche, les
gestes, le son de voix, etc., que l’on devinoit de suite la personne. Je
courus à l'institution des Sourds-Muets pour examiner la tête de l’élève
Casteigner, qui venoit d’être reçu dans l ’établissement depuis six semaines
et qui, dès les premiers jours, avoit fixé notre attention par son
talent prodigieux pour la mimique. Le jour du mardi-gras, où l’on re