
en Ecosse, idiote sous beaucoup de rapports, mais chez laquelle
l ’amour de l ’ordre étoit tellement actif, qu’elle évitoit la chambre de
son frère, à cause du désordre qui y régnoit. Il tient pour probable
que l’organe de l’ordre aboutit à la partie externe de l’arcade sourcil-
lière, entre ceux du coloris et de la numération. Quoiqu’il prétende
avoir un grand nombre d’observations en sa faveur, il croit pourtant
qu’il faut encore multiplier les expériences.
Mais ces expériences sont difficiles à faire, parce que parmi les organes
placés dans la région an'.érieure-inférieure de la tête , il y en a de
très petits, du nombre desquels est apparemment l ’organe de l’ordre.
Quant à moi, je n’ai pas encore pu réussir à rassembler quelques faits
invariables, qui auroient pu justifier une opinion quelconque sur le
siège de cet organe.
XIII. Mémoire des personnes, sens des personnes.
J’ai été frappé de ce que certaines personnes et certains animaux re-
connoissent avec la plus grande facilité des individus qu’ils ont vus il y a
des années, et seulement en passant. C’est-là une faculté qui est très-foible
chez moi, et dont le défaut m’a causé toute ma vie mille désagrémens. J’ai
vu dans toutes les classes, parmi le peuple comme parmi les gens instruits,
des personnes qui en sont douées, et d’autres qui en sont privées.
Il y a des personnes, et je suis de ce nombre, qui lorsqu’elles se lèvent
de table, ne savent plus distinguer dans la société celui ou celle qui
étoit assis à côté d’elles pendant le repas. Comme cette singularité les
met souvent dans l’embarras, les expose à faire mille quiproquo, et à
passer de l’air le plus indifférent, devant ceux qui s'approchent d’elles
d’un air de connoissance, et s’attendent à quelque marque d’intérêt, elles
font tous leurs efforts pour éviter de semblables maladresses;maiselles ne
peuvent y réussir. 11 leur en coûte une contention d’esprit incroyable
pour apprendre par coeur certaines figures, et il n y a que les visages distingués
par quelque particularité qui leur laissent une impression durable,
A quoi cela tient-il? Ceux qui 11e donnent à ce phénomène qu’une
attention superficielle, qui ont toujours des raisonnemens ou plutôt
des sophismes prêts pour tout expliquer, disent que cela tient à l’oeil;
que ceux qui sont dans ce cas voyent d’une manière indéterminée, ou
sont myopes. Mon propre exemple prouve bien qu’il n’en est pas ainsi.
Il n’y a guère d’hommes dont la vision s’opère d’une manière plus déterminée
que la mienne. Dans tous les temps, j’ai pu discerner les uns
des autres, à des distances considérables, les oiseaux ou d’autres animaux
, et les plantes à leur seul habitus. Jamais je n’ai été myope; et
d’un seul regard , je distingue avec la plus grande clarté tout ce qui
m’environne.
Est-il question de la faculté de saisir les caractères des objets? ce
n’est pas encore cela qui décide : il n’y a guère de personnes qui se
soient exercées plus que moi à les saisir; car comme médecin et comme
naturaliste, j’ai fait ma grande affaire de savoir distinguer et les maladies
si diverses qui affligent l ’espèce humaine, et les objets variés à
l’infini que nous offre la nature. Quoique je ne sache ni peindre ni
dessiner, j’ai toujours saisi avec une grande facilité les formes nombreuses
de la tête ; et s’il étoit question de diriger un peintre, je serois
certainement en état de lui indiquer les traits les plus caractéristiques
de la personne dont il s’agiroit de faire le portrait.
Pour se convaincre que toutes ces explications sont fausses, il suffit
de jeter un regard attentif sur ce qui se passe dans la nature. Souvent
des enfans de trois à cinq ans ont déjà la mémoire des personnes à un
très-haut degré. Il y a des chiens qui reconnoissent après des années
une personne qu’ils n’ont vue qu’une seule fois; d’autres chiens, après
quelques jours seulement d’absence, ne reconnoissent déjà plus des
personnes qu’ils ont vues assez souvent. Les singes, les chiens, les chevaux,
les éléphans, les chèvres, les oiseaux même, reconnoissent avec
plus ou moins de facilité, entre mille personnes, leur maître ou celui
qui leur a donné des soins, ou ceux qui les ont offensés.-
Tous les animaux qui vivent en troupeaux , se connoissent entre eux.
Qui le croiroit? toutes les abeilles de la même ruche se connoissent,
et il y en a de 20,000 à 80,000. Lorsqu’une étrangère tente de s’intro