
produit l’homme intelligent ; une organisatoin heureuse, cultivée par
l’expérience et la réflexion, forment 1 homme raisonnable.
Comme la volonté et la raison supposent l’existence des forces fondamentales,
et comme ces dernières se fondent sur l’organisation, il
est clair par là, comme je l’ai déjà prouvé par d’autres argumens dans
la section sur les dispositions innées , que la volonté et la raison
elles-mêmes ne sont point des forces indéfinies et indépendantes de
l’organisme, et que par conséquent il ne peut pas exister de liberté
illimitée et absolue, fl est clair aussi que l’homme, vu son organisation
plus noble, est susceptible de motifs moraux, lesquels il est
capable de peser et de comparer, de juger; que la comparaison faite,
le jugement porté, il lui est loisible de se déterminer en conséquence,
c’est-à-dire en d’autres termes, qu’il est doué de liberté morale, que
ses actions, par conséquent, sont méritoires ou déméritoires, c’est-à-
dire que ses actions peuvent être morales ou immorales.
Peut-on chercher des organes pour les affections ?
La plupart des auteurs confondent les affections avec les passions.
J’appelle passion le plus haut degré d’activité volontaire ou involontaire
d’une force fondamentale quelconque. Chaque passion suppose
donc un organe particulier, mais cet organe ne produit la passion de
sa fonction que dans le maximum de son activité.
Il en est tout autrement des affections. Dans les passions, les organes
sont actifs, exaltés dans leur fonction fondamentale ; dans les
affections, au contraire, les organes sont passifs, ils sont modifiés,
ils sont saisis d’une manière particulière, agréable ou désagréable. La
pudeur, la frayeur, l’angoisse, la tristesse, le désespoir, la jalousie5
la colère, la joie, l’extase, etc., sont des sensations involontaires, des
saisissemenspassifs, soit d’un seul système nerveux, d’un seul organe,
soit de l’ensemble du cerveau.
Il ne peut donc pas exister d’organe propre,ni pour la joie, ni pour la
tristesse, ni pour le désespoir ou le découragement, ni pour l’espérance,
ni pour quelque affection que ce soit.
Admettre un organe propre pour une affection quelconque, c’est
admettre un nerf propre pour la douleur et un nerf propre pour les
sensations agréables. Chaque nerf peut être indistinctement le siège de
la douleur et du plaisir. Si on vouloit admettre un organe unique pour
toutes les affections, il faudroit que tout animal susceptible d’une
affection , le fût de toutes, et cet organe une fois mis en activité, toutes
les affections , quelque disparates ou quelque opposées même qu’elles
soient, devroient à la fois assaillir l’homme ou l’animal.
Conclusion.
Ces considérations sur les qualités et les facultés de l ’homme ne sont
nullement le fruit de raisonnemens subtils. Elles ne portent point
l’empreinte du siècle dans lequel elles sont nées et ne vieilliront point
avec lui. Elles sont le résultat d’innombrables observations, elles resteront
immuables et éternelles, comme les faits observés et les forces
fondamentales, que ces faits nous forcent impérieusement d’admettre.
Elles sont fondées non-seulemeut sur des principes déduits de faits
individuels, mais elles sont confirmées par chaque fait individuel en
particulier, et par conséquent, dans tous les temps, elles sortiront victorieuses
de toutes les épreuves auxquelles on pourra les soumettre,
soit par la voie analytique, soit par la voie synthétique. Si un jour
l ’on renonce aux raisonnemens des métaphysiciens, celte philosophie
des qualités et des facultés de l’homme deviendra la base de
toute philosophie pour les temps futurs.