
présente une petite pièce de théâtre dans 1 etablissement, il avoit imite
si parfaitement les gestes, la démarche, etc., du directeur, de 1 inspecteur,
du médecin, du chirurgien de l'établissement, et surtout de quelques
femmes, qu’il étoit impossible de s’y méprendre; spectacle qui
amusoit d’autant plus, qu’on ne s’attendoit à rien de semblable de la
part de ce garçon , dont l’éducation avoit été absolument négligée. A
mon grand étonnement, je trouvai chez lui la partie supérieure-antérieure
de la tête tout aussi bombée que chez mon ami Annibal.
Le talent pour la mimique, me demandai-je, seroit-il fondé aussi
sur un organe particulier? et je cherchai les occasions de multiplier
mes observations. Je parcourus les familles, les écoles, etc., et j’examinai
les têtes des individus qui possédoient le talent pour la mimique à
un degré distingué. A cette époque, M. Marx, secrétaire au ministère de
la guerre, s’étoit fait une grande réputation, par plusieurs rôles qu’il
joua sur un théâtre de société. Je trouvai chez lui la région indiquée
du frontal aussi bombée que chez Casteigner et Annibal. Chez toutes
les autres personnes que j'examinai, je trouvai également cette région
plus ou moins bombée, selon qu’elles étoient douées du talent pour la
mimique à un plus haut ou à un moindre degré. On raconte de Garrick,
qu’il possédoit une faculté d’imitation si étonnante, qu’il n’a rien perdu
du cortège de la cour, composée de Louis XV, du duc d Aumont, du duc
d’Orléans, de MM. d’Aumont, de Brissac, de Richelieu, le prince de
Soubise, etc. Tous ces personnages qu’il vit passer une seule fois, furent
placés dans sa mémoire. 11 invita à souper les amis qui l’avoient accompagné;
Garrick, impatient d’amuser ses amis, leur dit: « Je n’ai vu la
cour qu’un instant, mais je vais vous prouver combien j’ai le coup-d’oeil
sur et la mémoire excellente. 11 fit ranger ses amis en deux files; sort un
instant du salon, et y rentre un moment après. Tous les spectateurs
s’écrièrent : voilà le ro i, voila Louis XV. Il imita successivement
tons les personnages de la cour; ils furent tous reconnus. Non-seulement
il avoit imité leur marche, leur maintien , leur maigreur, leur
embonpoint, mais encore les traits et le caractère de leur physionomie.
Je compris bientôt que cette faculté devoit constituer une portion considérable
du talent du comédien. J’examinai donc les têtes des meilleurs
acteurs que nous eussions alors : de Miiller. de Lange, de Brockmann,
de Schræder, de Baumann, de Koch et de sa fille, etc. Chez tous,
je trouvai la région indiquée saillante. J’acquis la tête de Jiinger, poète
et comédien ; son crâne me sert maintenant pour la démonstration de
l ’organe de la mimique.
Dans nos voyages, M. Spurzheim et moi nous avons trouvé la même
organisation chez tous les grands comédiens que nous eûmes l’occasion
d examiner. Chez Ifland , madame'Bethmann, Nagelmann à Berlin;
chez Ochsenheimer, à Leipzig; chez Kruys, à Amsterdam; chez madame
Brede, à Bremen, Mauteufel, Talma , etc., etc.
Que 1 on examine les portraits des grands comédiens qui ont la région
indiquée de la tête chauve, et l’on verra quelle est très-bombée comme
chez Shakespear, PL XCIII, fig. 3 ; et Müller, fig. 4, ou bien lorsque
cette région est chevelue, les cheveux y forment un toupet qui s’élève
perpendiculairement, à raison de la protubérance sur laquelle ils sont
implantés, comme chez le Kain et Garrik. Chez d’autres, l’on remarque
distinctement que la partie supérieure du frontal se bombe, comme
chez Clairon, chez Baron, chez Molière, Corneille, Pylade, Préville,
Siddons, Ekhoff, Molé, MM. Fleury et Larive, etc.
Dans la maison de correction de Munich, nous rencontrâmes un
voleur qui avoit cet organe assez développé. Je lui dis qu’il étoit comédien;
surpris par cette révélation, il avoua qu’il avoit fait, pendant
quelque temps, partie d’une troupe ambulante. Dans l ’établissement,
on ignoroit entièrement cette circonstance, que jusqu a présent il avoit
soigneusement cachee. Depuis, j ai tellement multiplié ces observations,
que je crois être autorisé à admettre que le talent d’imiter, le talent
pour la mimique, c’est-à-dire la faculté de personnifier, en quelque
façon, les idées et les sentimens, et de les rendre avec justesse par des
gestes, est une faculté fondamentale propre, qui se fonde sur un organe
particulier. Cet organe contribue, sans contredit,beaucoup à faire du
poète un poète dramatique, tels que Térence , Shakespear, Corneille,
Molière, Voltaire, etc.