
rendre compte facilement de leur goût individuel, et du caractère
propre de leurs compositions.
Il me paroît que les hommes qui sont capables de déduire les lois
de la composition des lois des vibrations sonores et des rapports des
tons, et d’établir ainsi les principes les plus généraux de la musique,
doivent être doués en même temps d’un organe des nombres très-déve-
loppé; car l’exercice de ce degré du talent musical exige , sans contredit
, beaucoup de calcul; aussi la circonvolution inférieure de l’organe
musical, la plus large de toutes, se continue immédiatement dans l’organe
des nombres. Ceci explique pourquoi on peut être excellent musicien,
et n’avoir pas le talent de la composition; être grand compositeur
sans être en même temps grand musicien.
Nous avons vu que cet organe ne suit pas toujours dans son développement
la marche accoutumée. Il acquiert d’ordinaire un développement
précoce dans les sujets doués de très-grandes dispositions
pour la musique ; et je le vis tellement développé chez une petite fille
de deux ans, qu’il ne me fut pas difficile de prédire les progrès éton-
nans que cette enfant a faits depuis dans la musique; mais je connois
aussi un cas où il ne commença à se développer qu’à l’âge de dix-sept
ans.
Plusieurs fois, des personnes qui s’étoient appliquées à la musique
avec une ardeur peu ordinaire, et long-temps de suite, se plaignirent
à moi qu’elles éprouvoient des douleurs et des spasmes dans la partie
extérieure-inférieure du front. Le lecteur s’expliquera facilement pourquoi
une application soutenue à la musique provoque des douleurs et
des spasmes, plutôt dans la région indiquée, que dans toute autre.
Une dame pârla, à son maître de chant, de l’organe de la musique. Elle
ne pouvoit pas lui en désigner la place , lorsque le maître lui dit : S’il y
a un organe de la musique, il est là, et il y place le doigt; c’est-là, lorsque
je compose, que j’éprouve une sensation pénible; quand une idée
ne me vient pas, c’est-là que je porte la main.
Tout ce que j’ai dit jusqu’ici sur le sens de la musique, et sur son
organe, ne laisse aucun doute que le sens de la musique ne soit une
faculté fondamentale propre, et que cette faculté ne se fonde sur un
organe propre.
Histoire naturelle du sens de la musique et de son organe
chez les animaux.
Il n’y a pas un seul mammilère doué du sens de la musique au point
d’être capable de chanter de lui-même, ou seulement de répéter des
chants qu’il entend. Aussi, les crânes de cette classe d’animaux sont-ils
beaucoup moins larges que celui de l’homme, dans la région où l’organe
de la musique à son siège. Leurs orbites sont placés ou à moitié ou
tout entiers dèhors le cerveau. Ou il n’existe pas de plancher orbitaire,
ou.il en existe seulement la partie interne située vers l’os criblé ou
vers le nez. Il s’ensuit que les mammifères sont privés d’une grande
portion de masse cérébrale qui, chez l’homme, se trouve dans cette
région, et qui, par conséquent, doit être destinée à des fonctions
particulières à l’espèce humaine.
Je ne soutiendrai pas cependant que certains mammifères ne soient
pas doués du moins du sentiment de l’harmonie des tons; l ’éléphant,
et quelquefois les chiens , paroissent écouter la musique avec intérêt.
Des chameaux, des ânes, des mulets, et même des boeufs, supportent
mieux la fatigue de leur travail accoutumé, lorsqu’on leur fait entendre
de la musique, ou qu’on leur chante des chansons; tout le monde a
vu danser en mesure des chiens, des ours, et les chevaux deFranconi:
mais ce que l ’on raconte à cet égard, d’araignées et de serpens, me
paroît tenir plutôt à une impression agréable que leur font éprouver les
vibrations de l ’air, qu’à un sentiment de l’harmonie ou de la mélodie.
La plupart des oiseaux n’ont rien qu’on puisse appeler du chant.
Quelques-uns de ceux-ci sont doués de la faculté d’imiter un chaut ou
une mélodie quelconque ; de ce nombre sont le bouvreuil et l’alouette
huppée. Dans peu d’espèces, le chant est propre aux deux sexes; la
femelle cependant a toujours un chant moins fort et moins parfait.