
recherche une place dans les cours étrangères; le jeune médecin s’attache
à un seigneur qui voyage, etc. Sans les avoir vues , on peut
parier que de telles personnes ont l’organe du sens des localités très-
développé : elles sont poussées par une force intérieure dont elles ne
soupçonnent pas même l ’existence.
Une demoiselle avoit eu de tout temps une grande envie de voyager.
Elle se laissa enlever de la maison paternelle par un officier. Le chagrin
et les remords la firent tomber malade. Je lui donnai des soins, et elle
me fit remarquer deux grandes proéminences que les peines qu’elle
souffroit lui àvoient, disoit-elle, fait pousser au front. Ces excroissances
lui paroissoient un effet de la colère céleste, mais dans le fait, e etoit
l’organe des localités , auquel elle n’avoit auparavant jamais fait attention.
Je rencontrai, dans une rue de Vienne, une femme assez âgée, qui
me frappa par le développement énorme qu’avôit acquis chez elle cet
organe. J’engageai une conversation avec elle. Avant que j’eusse eu le
temps de lui demander son pays, elle me raconta avec feu qu’elle
s’étoit enfuie de Munich pour se placer comme cuisinière à Vienne,
dans l’intention de ramasser trois mille florins, afin de passer sa vie à
voyager, comme font les dames. En attendant, elle changeoit de maître
tous les mois, parce qu’il lui étoit impossible de rester long-temps dans
la même maison.
Nous vîmes à Torgau, un aveugle de naissance; je fus frappé du
développement que l’organe des localités avoit acquis chez lui, et je
priai les personnes qui nous accompagnoient, d’être attentives à la
conversation que j’allois avoir avec lui. Dès que je lui eus demandé
quelle étoit son occupation favorite, il me jura qu’il n’y avoit rien dont
il aimât mieux entendre parler que des contrées lointaines, et qu’il ne
rêvoit que de pays étrangers.
Dans la biographie du capitaine Cook, on remarque expressément,
que ce navigateur avoit les bosses frontales très-saillantes ; et cependant
le biographe ne pouvoit pas être guidé par ma doctrine. Les portraits de
Christophe Colomb, PI. LXXX,fig. 2 , et deVasco deGama, qui s’immortalisa
par la découverte du passage aux Indes Oriental es parle Cap de
Bonne-Espérance, offrent la même conformation. Regnard avoit depuis
son enfance un ardent désir de voyager. On a de lui cette inscription :
G allia nos genuit; vidit nos Africa-, Gangem
Hausimus, Europamque oculis lustravimus ornnem;
Casibus et variis acti terrâque manque,
Hic tandem stetimus, nobis ubi defuil orbis.
Nés François, éprouvés par cent périls divers,
Du Gange et du Zaïr nous avons vu les sources,
Parcouru l’Europe et les mers,-
Voici le terme de nos courses •
Et nous nous arrêtons où Unit l’Univers.
Une preuve bien convaincante m’est fournie par M. Jaubert, maître
des requêtes et professeur des langues Orientales à la bibliothèque du
roi. Ce savant fut toujours passionne pour les voyages, et toujours
employé par le gouvernement à d’importantes missions en Turquie,
en Perse, e tc., etc. Aussi a-t-il 1 organe des localités peut-être encore
plus saillant que le paysagiste Bruegel.
Je pourrois donner ici une longue liste de voyageurs, tant morts que
vivans, chez lesquels l’organe des localités est très-développé Mais
l’occasion de constater la véritable cause du goût des voyages est
tellement frequente, qu d me suffira de citer encore le célèbre et savant
naturaliste M. le baron A. de Humboldt.
Sens des localités dans la manie et dans l’idiotisme.
Assez souvent, lorsque cet organe a acquis une activité extrême, il
en résulte une passion très-vive qui peut dégénérer en manie. Déjà
Avicenne a décrit cette aliénation partielle sous le nom de cutubut,
mélancolie ervabonde. M. le docteur Beutel nous a communiqué l ’histoire
de M. 1 abbé Dabrowki, de Prague, aussi connu par son esprit