
y a perte totale de l’activité d’un organe d’une qualité morale ou d’une
faculté intellectuelle?
Quoiqu’il en soit, il reste toujours prouvé que le désir, le'penchant,
le besoin, la passion ne sont que des gradations de l’action de la force
fondamentale, et qu’on a eu tort de considérer ces gradations comme
autant de forces propres. J’ai par conséquent justifié encore à cet égard
le reproche que je fais à la philosophie de mes devanciers. Puisse la
réfutation de ces erreurs, consacrées par les siècles, faire concevoir enfin
combien sont inutiles tous les raisonnemens qui ne s’appuient pas sur
des faits?
De Vinstinct et de l’entendement, intellect ou intelligence.
L ’instinct et l ’entendement ont-ils des organes particuliers?
L ’animal agit poussé par l’instinct, l’homme agit conduit par l’entendement
: voilà le langage reçu des philosophes. L ’instinct, dit-on,
supplée chez les animaux à l ’intelligence qui est propre à l ’hômme.
Les animaux n’agissent-ils que par instinct, et sont-ils privés d’intelligence?
L ’homme est-il exempt de toute impulsion instinctive,
est-il soustrait à l’influence de l’instinct?
Commençons par préciser l’idée d’instinct et celle d’entendement
ou d’intellect, et la vérité s’offrira à nous d’elle-même.
L’instinct est un sentiment, un mouvement intérieur indépendant de
la réflexion et d’une véritable volonté , une impulsion qui pousse à certaines
actions un être vivant, sans que celui-ci ait une idée distincte, ni
de moyens, ni de but. Je demande maintenant : l’instinct est-il une
force universelle qui explique tous les actes des animaux? ou bien
varie-t-il autant que les qualités et les facultés fondamentales, et ne
produit-il que la manifestation de ces qualités et de ces facultés?
L’instinct est-il une force universelle qui explique tous les actes des
animaux? Comment tient-il à l’organisation? Existe-t-il un organe pour
cette force?
Si l’instinct étoit une force universelle, chaque animal devroit faire
précisément la même chose que l’autre. Il n’existe pas d’animal dépourvu
d’instinct. Si l’instinct est une force universelle , pourquoi l’animal qui
fait une toile ou qui construit des cellules hexagones et y dépose du
miel, ne chante-t-il pas? Pourquoi n’a-t-il pas d’attachement pour son
maître? L ’araignée tend une toile et fait la chasse aux mouches;
l ’abeille ouvrière construit des cellules, mais ebene tue pas de mouchés
pour s’en nourrir; elle a soin des petits, mais elle ne s’accouple pas.
Plusieurs animaux mâles s’accouplent, mais ne prennent aucun soin
de leurs petits ; le coucou, tant mâle que femelle, abandonne à
d’autres oiseaux le soin d’élever ses petits , quoiqu’il soit porté
à l’accouplement par un instinct très-ardent; le castor construit une
cabane, mais il ne chante ni ne va à la chasse; le chien va à la chasse
mais il ne bâtit pas; la pie-grièche chante, bâtit et chasse; la caille
ne se marie pas, mais s’accouple, a soin de ses petits et voyage;
la perdrix se marie, s’accouple et prend soin de ses petits, mais ne
voyage pas; le loup, le renard, le chevreuil et le lapin vivent dans
l’état de mariage, et prennent soin de leurs petits conjointement avec
leur femelle; le chien, le cerf, et le lièvre s’accouplent indistinctement
avec la première femelle venue et ne commissent pas leurs
petits. Le loup vigoureux , le lièvre rusé et timide ne creusent pas de
terriers comme le lapin courageux et le renard rusé. Les lapins vivent
en république et placent des sentinelles, ce que ne font ni le renard,
ni le lièvre.
Comment ces divers instincts peuvent-ils exister dans une espèce
d’animal et pas dans une autre ? Comment peuvent-ils être combinés si
différemment?
Si l’instinct étoit une force unique et générale, tous les instincts
devroient se manifester non-seulement à la fois , mais aussi au même
degré , et cependant tandis que dans le jeune animal tels instincts
agissent avec une grande force, d’autres sont plongés encore dans une
profonde inaction; certains instincts agissent dans telle saison, d’autres
dans telle autre. Autre saison pour la propagation que pour émigrer;