
l’énergie de certaines forces morales et intellectuelles. C est sous la
zône tempérée que l’homme a toujours atteint le plus haut degre
de perfection dont il soit capable. Sous les extrêmes du chaud et du
froid son activité est ralentie. Sous l’un, il est lourd et stupide,
modéré dans ses désirs, pacifiques ; sous l’autre, il est violent dans
ses affections, foible de jugement, et adonné au plaisir animal ; sous
■ l’un et l’autre il a l’ame mercenaire.
c, C’est aux nations méridionales de l’Europe , soit anciennes g soit
modernes , que nous sommes redevables de l’invention et de 1 em-
belli«semement de cette mythologie et de ces anciennes traditions
qui sont encore aujourd’hui le champ le plus fertile pour l’imagina-
tion , et une source intarissable d’allusions poétiques. Nous leur
devons les romans de chevalerie, et les modèles d un style plus raisonnable
qui leur ont succédé, où l’imagination trouve a s enflammer,
l’ame à s’exalter, et l’esprit à s’éclairer.
Le nord a été plus fécond dans les productions j i’mdustrie , et
c’est-là que les sciences ont reçu leurs plus solides accroissemens :
les efforts de l’imagination et du sentiment ont été plus heureux et
plus communs dans le sud. Tandis que les bords de la Belgique
s’illustroient par les travaux de Copernic, de Tycho-Brahé , de Képler,
ceux de la Méditerranée produisoient des hommes de génie dans tousles
genres et abondoient en poètes, en historiens Iaussi bien qu’en savans.
° Dans le nord , le savoir est encore borné aux seuls genres qui sont
du ressort du jugement et de la mémoire. Des détails fidèles sur les
évènemens publics, sans beaucoup de discernement, touchant leur
importance respective; les traités et les prétentions des nations ; les
généalogies des souverains, les dates de leur naissance : voilà les grands
objets que la littérature du nord s’est attachée à conserver religieusement
tandis quelle laisse éteindre dans l’oubli les lumières de
l ’esprit et les sentimens de l’ame. L ’histoire du coeur humain , les
mémoires intéressans que nous transmettent les procèdes francs et
naturels de la vie privée, aussi bien que les fonctions éclatantes des
grandes places; le sel de la plaisanterie; les traits perçans du lidicule,
tous les genres de l’éloquence , chez les anciens et chez les
modernes, se trouvent confinés presque sans exception sous les mêmes
latitudes que la figue et le raisin.
Les désirs dévorans, les passions brûlantes qui, dans un climat,
s allument entre les deux sexes , ne sont, dans un autre climat, qu’une
froide considération ou une indulgence mutuelle pour des dégoûts
réciproques. On est frappé de cette différence en croisant la Méditerranée
, en remontant le Mississipi, en traversant les montagnes du Caucase,
en passant des Alpes et des Pyrénées aux rivages de la mer Baltique.
Sur les frontières de la Louisiane le sexe féminin domine par le
double ascendant de la superstition et de la passion. Chez les naturels
du Canada, il est esclave et n’est considéré que par ses travaux,
par le service domestique qui est son partage.
Les fureurs de l ’amour, les tortures de la jalousie qui ont régné
si long-temps dans les sérails et les harems d’Asie et d’Afrique, et qui,
dans le midi de l’Europe, ont à peine donné lieu à quelque différence
dans la religion et dans les établissemens civils, avec quelque
diminution de chaleur dans le climat, à une certaine latitude ^ ces
passions terribles se changent aisément en une passion momentanée,
qui s’empare de l’ame sans l’afifoiblir, et qui la porte à des faits romanesques
; plus vers le nord , c’est un esprit de galanterie qui occupe
l’esprit et l ’imagination plus que le coeur; qui préfère l’intrigue à la
jouissance, et met l’affectation et la vanité à la place des désirs et du
sentiment. A mesure que l’on s’éloigne du soleil, cette passion dégénère
de plus en plus en une habitude de liaisons domestiques, et se
refroidit jusqu’à un point d'insensibilité tel que, si les deux sexes
avoient la liberté du choix, à peine préféreroient-ils cette espèce de
société 1 », ït
L ’histoire du genre humain forme une masse inépuisable à de pareilles
réflexions.Les recherches de cette nature seront plus multipliées
et gagneront plus d’importance, à proportion qu’on sera plus con-
1 Ferguson, Essai suiT’Histoire delà société civile, t. I , p, 5i 5 et suiv.
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