
D’ailleurs, il n’est pas rare de trouver le talent pour le calcul chez
des personnes dont l’esprit n’a nullement été développé. Un pâtre du
Tyrol, Pierre Annich s’étoit rendu fameux par ses calculs astronomiques.
Sa réputation engagea le père Hell à aller le trouver; lorsque
ce savant interrogea le pâtre sur ses études préliminaires, il apprit avec
étonnement que celui-ci ne connoissoit pas même de nom les mathématiques
et l’astronomie. 11 y a douze à quatorze ans qu’un nègre a
fait beaucoup parler de lui à Londres par les calculs étonnans qu’il
faisoit.
M. Schubler, conseiller de régence à Stuttgard, nouS’fit faire la con-
noissance de Martini Hæfele, vigneron d’Alfaltrach , à trois lieues de
Heilbrun. Cet homme, qui s’est appliqué de lui-même aux mathématiques
et surtout à la haute algèbre, a fait des progrès étonnans dans
plusieurs parties des mathématiques appliquées. Plus tard , on lui
donna les ouvrages de Kæstner et de Karsten qu’il dévora; depuis dix
ans il faisoit des recherches tendantes à perfectionner les calculs différentiel
et intégral. Tout autant de preuves que le talent pour les mathématiques
est inné et qu’il n’a aucune connexion nécessaire avec les
autres facultés intellectuelles.
L ’on peut même soutenir que ce talent peut, ainsique d’autres dispositions,
se transmettre de père en fils pendant plusieurs générations.
La famille des Bernouilli en fournit un exemple.
Les mathématiciens nés, comme tous les hommes doués d’un talent
très-distingué, manifestent cette faculté de très-bonne heure, et sont
entraînés par un penchant impérieux à s’y livrer.
Les mathématiques eurent toujours un attrait particulier pour Pascal.
Gêné dans son goût pour la géométrie, il devint plus ardent pour l’apprendre.
Sur la simple définition de cette science, il vint à bout de
découvrir par la seule force de son génie pénétrant, jusqu’à la trente-
deuxième proposition d’Euclide. A l’âge de seize ans, il publia un traité
des sections coniques. De la géométrie, il passa avec la même facilité
aux autres parties des mathématiques. A peine avoit-il dix-neuf ans ,
qu’il inventa la roulette, machine d’arithmétique singulière, par laquelle
on fait toutes sortes de supputations sans plume et sans jetons
et même sans savoir 1 arithmétique.
Galilée eut, dès son enfance, une si forte passion pour les mathématiques,
qu’on peut dire qu’il naquit mathématicien. Joseph Sauveur
et Ozanam apprirent la géométrie sans maîtres. Lalande fut nommé
quand il avoil à peine dix neuf ans, commissaire de l’académie pour
aller à Berlin déterminer la parallaxe de la lune , de concert avec la
Caille, qui alloit faire la même opération au Cap de Bonne-Espérance.
Ticho-Brahé avoit, dès son enfance, une inclination extraordinaire
pour les mathématiques. Euler, également fut porté de bonne heure
par un goût irrésistible, aux mathématiques.
Lorsque ce talent est prédominant dans un individu, toutes les
autres opérations de l’esprit en reçoivent l’empreinte. Je connois un
médecin doué d’un grand développement de l’organe du calcul qui
s’efforce de ramener l’étude delà médecine et même la vertu des médi-
camens à des principes de mathématique. Un de mes amis, mathématicien
et philologue, cherche depuis long-temps une langue universelle
fondée également sur des principes de mathématique.
Sens du calcul dans l état de maladie.
Deux personnes de ma connoissance sentaient, chaque fois quelles
soccupoient plusieurs jours de suite de calculs difficiles, une douleur
dans la région de la tête où se trouve l’organe des nombres.
M. de Lagny, dont tous les ouvrages décèlent un grand géomètre
étant sur le point d’expirer, Maupertuis lui demanda quel étoit le carré
e douze; le mourant répondit sans hésiter : cent quarante-quatre. J’ai
vu , dans l’hospice de Vienne, un aliéné dont la manie avoit dégénéré
en idiotisme. Son unique occupation étoit de compter, mais il s’arrêtoit
toujours à quatre-vingt-dix-neuf; j’eus beau faire, je ne pus jamais
Rengager à dire, cent; il recommençoit toujours à compter par un.
M. L.-A. Gcelis, dans son excellent traité sur l’hydrocéphale chronique