
mémoire des lieux est loin de désigner toute l’étendue de la sphère
d’activité du sens de localité, du sens des rapports de l’espace. Car les
chiens, les pigeons, les faucons, etc., qui vont regagner leur ancien
gîte ou leur patrie, n’y retournent pas par le même chemin qu’on leur
avoit fait suivre pour les en éloigner. Le sens des localités est bien
plutôt la faculté de s’orienter relativement aux lieux, de retrouver la
direction dans laquelle on veut faire route, malgré les détours, les
bois, les fleuves, les montagnes, etc., c’est la faculté de reconnoître les
rapports de l’espace; et c’est pour cela que je me sers des expressions
sens des localités, sens des rapports de l ’espace, de préférence à celle
mémoire des lieux.
Un semblable sens est indispensablement nécessaire aux animaux.
Ils ont besoin de retrouver leurgite, leur liteau, leur nid, leur terrier,
leurs petits; que deviendroient-ils sans cette faculté? qui pourroit concevoir,
sans le sens des localités, plusieurs des phénomènes les plus
remarquables dans le genre animal, tels par exemple que les voyages
des animaux qui sont sans contredit un point important dans l’histoire
naturelle du sens des localités?
Sur les voyages des animaux.
Comment se fait-il que dans certaine saison quelques espèces d’animaux
émigrent dans d’autres climats, et reviennent dans une autre
saison au pays qu’ils avoient quitté? Comment se fait-il que d’autres
espèces, au contraire, n’émigrent pas?
La réponse que Charles-George Leroy a faite à cette question,
quoique fausse, est plus spécieuse cependant que celles qu’ont données
les autres naturalistes. Voici ce que dit cet auteur :
« Rien ne ressemble plus aux qualités occultes des anciens, que les
principes d’où M. Reimar fait dériver les actions des animaux.il dit,
par exemple, qu’un oiseau de passage a une perception intérieure du
temps où il doit changer de pays, et qu’il sent un attrait vers une certaine
région. 11 faut convenir que l’attrait qu’un être sent vers une
certaine région dont il n’auroit point de connoissance, seroit une chose
fort extraordinaire, et que la perception d’un être qui ne senliroit pas,
le seroit encore plus. 11 est difficile, sans doute, de deviner précisément
comment s’est établie originairement cette habitude de changer de
pays. On peut croire pourtant que l'incommodité d’une température
qui ne convenoit plus à la constitution de l’animal, y a donné lieu de
proche en proche; peut-être a-t-il fallu plus d’un siècle pour établir
par degrés la régularité parfaite de ces transmigrations. Mais, dans l’état
actuel, il est certain que la connoissance de la nécessité du passage et
du temps auquel il doit s’exécuter, est le fruit d’une instruction qui se
perpétue de race en race. Le passage n’a pas lieu pour ceux à qui l’instruction
a manqué, et il est visible que les jeunes oiseaux sont conduits
par ceux à qui l ’âge et l’expérience donnent les connoissances et l ’autorité.
Prenons pour exemple les hirondelles, que tout le monde est à
portée d’observer. D’abord le départ est toujours précédé par des assemblées
dont la fréquence et la durée ne peuvent pas laisser douter qu’elles
n’aient pour objet tous les préparatifs d’un voyage entrepris par des êtres
qui ont la faculté de sentir et de s’entendre, et que rassemble un projet
commun. Le babil rapide et varié qui règne dans ces assemblées, indique
clairement une communication et des préceptes devenus nécessaires
à la nombreuse progéniture de l’année. Elle doit avoir besoin
d’instructions préliminaires, et souvent répétées, pour être préparée à
ce grand événement. Les essais multipliés de voler en troupe ne sont
pas moins indispensables, et ils sont toujours suivis d’une répétition
d’enseignemens qui font retentir nos toits et nos cheminées. Des hommes
rassemblés, dont nous n’entendrions pas la langue, ne marqueraient
pas pour nous un projet pareil d’une manière différente. Mais un phénomène
qui se répète souvent, prouve mieux que cette analogie, que
ces transmigrations, ne sont point le résultat d’une disposition sourde
machinale. Lorsqu’au moment indiqué pour le passage, moment que
la saison 11e permet pas de retarder sans compromettre le salut de l’espèce
entière, il se trouve un nombre même assez grand d’individus trop jeunes
pour suivre la troupe, ils sout abandonnés, et restent dans le pays.
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