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J’ai déjà parlé plus haut du fanatique que 1 on nous fit voir dans la
maison de détention de Berne. A peine le vis-je descendre les escaliers,
que je dis : Voilà un visionnaire que l’on m'amène. C ’est le même à qui
Jésus-Christ était apparu au milieu d’une lumière aussi brillante que si
elle avait été formée par plusieurs milliers de soleils, pour lui révéler
la véritable religion ’.
Un homme que l’on rencontre dans la meilleure société de Paris,
voulut savoir mon avis sur sa tête. La seule chose que je lui dis, au
premier aspect, ce fut qu’il avoit quelquefois des visions, et qu’il
croyoit aux revenans. D’étonnement il s’élança de sa chaise, et assura
qu’il avoit très-souvent des visions; mais que jusqu’à ce moment il n’en
avoit jamais parlé à personne, de crainte de passer pour trop crédule.
Je disaumédecin D’. W ., que je voyois à la forme de sa tête qu’il devoit
avoir un grand penchant pour le merveilleux, pour le surnaturel. « Pour
« cette fois-ci, me répondit-il, cher docteur, vous vous êtes trompé du
« tout au tout; car je me suis fait la loi de ne rien admettre comme
« vrai, qui ne soit démontré mathématiquement. » Après m’être entretenu
avec lui de divers objets de science, je tournai la conversation
sur le magnétisme animal, qui me parut faire un objet très-propre pour
apprécier la rigueur mathématique de mon estimable confrère. Il
s’anima beaucoup, et m’assura encore une fois très-solennellement qu’il
ne regardoit comme vrai, que ce qui est mathématiquement démontré;
mais qu’il étoit convaincu qu’un être spirituel agissoit dans le magnétisme
, que cet être agissoit à de très-grandes distances ; qu’il n’y avoit
même pas de distance qui fût capable de mettre obstacle à son action,
et qu’à raison de cela, il pouvoit sympathiser avec des personnes placées
quelque part que ce fût,dans le monde ; « c’est la même cause, con-
« tinua-t-il, qui produit les apparitions. Les apparitions et les visions
« sont rares à la vérité; mais il en existe indubitablement, et je connois
« les lois d’après lesquelles elles ont lieu ». Et moi je me dis à
moi-même : Ici encore l’organologie n’a pas été en défaut!
* Tome I I , p. 202.
DU C E RVEAU. 2 3g
J’ai aussi parlé plus haut d’un certain Hallerau de' Vienne. Cet
homme étoit continuellement accompagné de son génie familier; il le
voyoit et sentretenoit avec lui. Lorsqu’il eut atteint sa soixantième
année, il sembla que son génie voulût le quitter. 11 n’y avoit plus que *
certains jours dans le mois où il eût le bonheur de le voir.
J’ai connu à Gersbach, presDurlach, dans le grand duché de Bade
un curé que l’on renferma , parcequ’il avoit également un esprit
familier. Il y a à Manheim un homme qui se voit toujours accompagné
de plusieurs esprits Quelquefois ils marchent à côté de lui
sous des formes visibles ; d’autres fois ils ne l’accompagnent que sous
terre. Pinel parle d un maniaque tres-dangereux, qui est ordinairement
calme pendant le jour; mais qui, durant la nuit, se croit toujours entouré
de revenans et de fantômes , qui s’entretient tour-à-tour avec de
bons ou de mauvais anges, et q u i, suivant le caractère de ses visions,
est bienfaisant ou dangereux, porté à des actes de douceur ou à des
traits d’une cruauté barbare’.
L ’histoire , tant ancienne que moderne, fournit un grand nombre
d’exemples du même genre.
S’il est ridicule d’admettre la réalité des apparitions , des démons
ou des esprits familiers, il est aussi injuste d’accuser d’imposture ceux
qui prétendent en avoir eu. Il y a peu de personnes à qui l’on
puisse supposer assez d’adresse et de méchanceté pour contrefaire
frauduleusement ces phénomènes, que l’observateur seul connoît dans
toutes leurs nuances. Je vais faire voir que ces hommes sont le jouet
d’une activité trop énergique d’une partie de leur cerveau.
Organisation qui dispose aux visions.
Dès le premier fanatique que je vis, je fus frappé de la saillie arrondie
delà partie supérieure de l ’os frontal. Cette saillie ne forme point au
1 Sur l’aliénation mentale, ae. édit., p. 8.