
Division des qualités morales et des facultés
intellectuelles.
Selon qu’on considère les qualités morales et les facultés intellectuelles
sous un autre point de vue , on peut les diviser autrement.
On peut les diviser en sentimens, penchans, talens, facultés intellectuelles;
la fierté, par exemple, la vanité seroient des sentimens;
l’instinct de la propagation de l’amour de la progéniture, seroient des
penchans ; la musique, la mécanique seroient des talens ; la perspicacité
comparative feroit partie des facultés intellectuelles. Mais on est souvent
embarrassé de fixer rigoureusement les bornes de chaque division. Les
facultés intellectuelles et les talens, lorsque leurs organes ont une
grande activité, se manifestent avec désirs, avec penchans et avec
passions; et les sentimens et les penchans ont aussi leur jugement,
leur goût, leur imagination, leur souvenir et leur mémoire.
La division, en qualités et facultés communes à l’homme et aux
brutes et en qualités et facultés qui sont exclusivement l’apanage
de l’homme, a, je l’avoue, un grand prix sous le point de vue philosophique.
Mais lorsqu’il y a des naturalistes qui croient apercevoir dans
quelques animaux, par exemple, dans certaines espèces de singes, l’idée
du juste et de l’injuste, etméme un sentiment de l’existence de Dieu;
lorsque l’observateur le plus modéré n’ose pas décider, où les facultés
de la brute cessent, et où celles de l’homme commencent, il faut
avouer que cette division, ne seroit guères généralement satisfaisante.
La meilleure division me paroit celle en qualités et facultés
fondamentales et en attributs généraux de ces mêmes qualités et facultés.
Dans cette division , on conserve les fruits des travaux^ de mes
devanciers et on en tire parti, en même temps qu’on établit la vraie
théorie des instincts, des qualités et des facultés primitives et fondamentales
de l’homme et des animaux.
Ces deux divisions viennent d’être discutées,
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Pour compléter mon ouvrage, je vais offrir à mes lecteurs quelques
propositions de la plus haute importance, et dont la solution
découle immédiatement de la physiologie du cerveau.
Quels sont les motifs de nos actions?
Tant que le philosophe, le moraliste, le juge et le législateur manqueront
d’une connoissance détaillée des mobiles de nos actions, leurs
interprétations, leurs imputations, leurs jugemens et leurs lois porteront
toujours à faux. Jusqu’à présent presque tous les auteurs ont
accusé l’amour-propre ou l ’intérêt comme seul motif de nos désirs
et la volonté comme seule détermination de nos actions. Il est pourtant
évident qu’il doit y avoir autant de motifs qui nous font agir,
qu’il y a de qualités et de facultés primitives.
Ici encore la comparaison de l’homme avec les animaux sera d’une
grande utilité. Les actes des animaux sont simples, francs, exempts
de toute interprétation équivoque. Ceux des hommes, au contraire,
sont presque toujours plus ou moins compliqués, de manière que
l ’individu lui-même, bien souvent, ne saurait s’en rendre raison,
leurs motifs sont incertains et jamais à l’abri de captieux subterfuges.
Les mobiles les plus impérieux des actes des animaux sont les instincts
de la propagation , de l’amour de la progéniture, de l’attachement,
de la propre défense, du sentiment de propriété, etc.
Très-souvent leurs actions sont déterminées par l ’envie , la jalousie ,
la haine, la colère, par la cruauté , par la bienveillance. Certes
aucun philosophe ne prétendrait avoir indiqué les motifs des actions
des animaux en les attribuant à l’intérêt, à leur amour-propre, au
seul désir de leur propre conservation.
Or, l’homme étant doué et dominé par les mêmes désirs , les mêmes
penchans, les mêmes passions et les mêmes affections, ses actes doivent
aussi être amenés par les mêmes motifs. Nos institutions sociales,
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