
sensation, avec des appareils nerveux. Dès-lors l’être vivant s’aperçoit
qu’il est distinct des choses qui l’environnent; il a son moi. Ce
ipoi sera plus resserré ou plus étendu selon que les sensations seront
variées et intenses; selon, par conséquent, que les organes de la
sensibilité intérieure et des relations extérieures seront plus nombreuses
et plus énergiques.
Plus sera grand le nombre d’organes , mis en contact avec les
objets extérieurs, plus le monde de cet animal aura d’étendue.
Ajoutez à la sensation générale, vague, indéterminée, des sensations
déterminées, essentiellement distinctes les unes des autres, vous
modifiez, vous agrandissez par degrés son monde. Chaque sens,
chaque organe devient une nouvelle révélation. Le goût, l'odorat,
l’ouïe la vue , le toucher , chacun de ces sens fait connoître des
existences des rapports différens du monde, et réunis tous ou en
partie, ou isolés, l’aspect de ce monde doit essentiellement varier.
Faisons l’application de ces préliminaires aux organes des qualités
morales et de facultés intellectuelles.
Les organes du cerveau sont egalement autant de points de GOntact
avec le monde extérieur, autant de sources de nouveaux genres
de sensations, de sentimens, d’instincts, de penchans, de facultés;
mais nous avons vu qu’ils sont aussi inégalement répartis parmi les
diverses espèces d’animaux. Leur monde intérieur et extérieur doit donc
aussi varier à l ’infini, diminuer ou s’accroître dans la même proportion
que le nombre de ces organes diminue ou s’accroît.
Ouelle différence entre deux êtres, dont l’un, à peine retranché
du règne végétal, se régénère, sans aucune conscience , de .ses débris;
et l ’autre, auquel la propagation de son espèce est commandée
par les désirs les plus ardens et accomplie avec extase? Donnez à
ces êtres l’amour de leur progéniture, et cet organe devient une
source intarissable des sentimens les plus doux, des soins les plus
chers, des inquiétudes les plus alarmantes. Dès ce moment toute
l ’existence de l’homme et de la femme, dumâle et de la femelle semble
être calculée sur ces deux puissans instincts. Pussiez-vous laisser
subsister tout le reste, l ’intérêt et le charme de la vie sont détruits,
dès que vous détruisez ces deux organes.
Lés délices du mariage, les douceurs de l’amitié et de la vie sociale
, nous les devons à une partie cérébrale.
C’est moyennant un organe particulier que le Créateur nous a
inspiré le droit et le devoir de défendre, contre nos ennemis, nous-
mêmes, notre compagne, nos en fans, nos amis, nos propriétés,
notre patrie. Sans cet organe et sans celui de l ’instinct carnassier,
l ’économie des hommes et des animaux se trouveroit totalement
changée. Quel mouvement maintenant, ici, pour égorger sa proie;
là, pour échapper à la dent meurtrière ! C’est surtout l’usage de la
guerre qui donne un objet et une forme aux réunions sociales. La
nécessité d’une défense publique rassemble les hommes les plus
aliénés, et fournit la carrière la plus yaste aux forces morales et intellectuelles.
Quelles scènes dans la vie des individus, comme dans
l ’histoire des peuples , ces deux organes ont-ils produites et produiront
ils à chaque instant?
La ruse, l ’astuce, la finesse, le savoir-faire,la prudence, tantôt sauvegarde
du foible, tantôt instrument du fort, doivent leurs manoeuvres
et leurs intrigues au même organe auquel le renard doit l’heureuse
issue de ses expéditions nocturnes.
Eliminez une autre partie cérébrale, et vous délivrez les hommes
du penchant au vol ; mais vous détruisez en même temps une grande
partie des institutions sociales. En nous rendant indifférens pour la
propriété, vous ôtez un des motifs les plus puissans de nos actions;
les arts et les talens seront bientôt sacrifiés à la paresse et à 1 insouciance.
S’il n’existoit pt(s d’organe qui assigne à chaque espèce d animal
le lieu qu’il lui convient d’habiter, quelle confusion il y auroil?
C’est cet organe qui établit l’équilibre dans la distribution du règne
animal, qui peuple et les plaines et les montagnes, les champs et les
forêts , l’air et les eaux.
Si l’homme estpénétré du prix qu’il met à lui-même ; s’il s élève au