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nion clu corps et de l’ame constitue notre etre; et que tout, du moment
de la conception jusqu'au dernier soupir, annonce que 1 ame est
ici bas dans la dépendance d’organes matériels ?
Avec ces prétendues facultés générales de l’ame , le caractère de
l’homme et des animaux ne seroit-il pas le jeu toujours varié du hasard:
Comment de quelques opérations aussi indéterminées de 1 ame résul-
teroit-il constamment chez les individus de la meme espèce , les memes
instincts , les mêmes penchans, les mêmes facultés déterminés ?
M. Laromiguière aborde, pour un moment, les dispositions innées.
«Qui jamais, d i t - i l , a pu nier que les facultés fussent innees ? Et
quand on nous dit, d’un air d’assurance et presque d’un ton de découverte,
qu’il y a des penchans innés , des dispositions innées ■; des
instincts innés, des facultés innées, des lois même innées, des formes,
des muai es, des catégories, et je ne sais combien d’autres choses innées,
ou indépendantes des sens et de toute expérience , o u , si l’on
veut encore, qui sont dans lame à priori , que croit-on nous apprendre?
Qui ne sait que, dans tout être, il y a nécessairement autant de
facultés ou de puissances qu’il peut produire d actes; autant de capacités
qu’il peut recevoir de modifications; autant de dispositions qu il
peut produire d’actes et recevoir de modifications? Qui ne sait
qu’un serpent naît avec la disposition ou le penchant a ramper;
avec la faculté de ramper; l’oiseau avec la faculté -de voler ; le
poisson avec celle de nager; l’homme avec la faculté de parler et de
raisonner? Mais est-il permis de confondre la faculté de parler avec la
parole, la faculté de raisonner avec le raisonnement, la faculté de
penser'avec la pensée, la faculté de produire une idée avec une idée?
En vérité, pour dire ces choses, il faut y être obligé, et j’espère que
ce sera mon excuse ‘ ».
’ T. Il, p. 286.
Quoique ce passage me fournisse des armes contre les facultés générales,
il ne renferme pourtant qu’une concession apparente. Quand je
dis que nos dispositions morales et intellectuelles sont innées, je suis bien
loin d’entendre par-là une simple capacité passive, telle que celle d’un
bloc de marbre qui se prête au caprice du sculpteur, selon que celui-ci
veut en faire un Satyre ou un Apollon. J’entends par dispositions innées,
des aptitudes industrielles, des instincts, des penchans déterminés
, des facultés déterminées dont la manifestation ou l ’exercice
plus ou moins volontaires dépendent, ou de la volonté ou d’un certain
degré de développement et d’action des organes respectifs. J’entends
dire que chaque organe cérébral est empreint d’une tendance déterminée;
que chaque organe jouit d’un aperçu intérieur, d’une force
d’une faculté spéciales. Ici, rien n’est le résultat vague et incertain , ni
de l’attention, ni de la comparaison, ni du raisonnement. L ’expérience
nous apprend que le serpent rampe, que l’oiseau vole, que le poisson
nage, aussitôt que les organes nécessaires ont acquis leur parfaite activité.
Ces dispositions ne restent pas bornées à de simples facultés ou
capacités. Les actes qui en résultent sont aussi déterminés que les dispositions
elles-mêmes. L ’homme parle et raisonne aussitôt que son
cerveau est arrivé à la maturité requise. Ainsi la parole naît de la faculté
de parler, la pensée de la faculté de penser. Par conséquent il
faut avouer que la faculté, la disposition est antérieure à sa manifestation
, et qu’aucune manifestation d’une qualité morale ou d’une faculté
intellectuelle déterminées n’est possible sans sa disposition déterminée,
et réalisée par un organe particulier.
«N’allezpas croire cependant, continue M. Laromiguière, qu’il soit
nécessaire de reconnoitre et d’enregistrer autant de facultés ou de capacités,
qu’on peut remarquer d’actes ou de modifications dans l’esprit
humain. Au lieu d’enrichir la science, ce seroit l’anéantir. Que pen-
seroit-on d’un anatomiste qui, ayant observé que la fibre de l’oeil, cause