
i o 8 ph y s io l o g i e
perfection de retracer les couleurs comme 1 ont fait Rubens- et ses
écoliers, et comme l’atteste le superbe chien de Golzius.
L ’organe du sens des couleurs est presque généralement très-déve-
loppé chez les Chinois, quelles que soient du reste les variations que
subit la forme de la tête. C’est pour cela que leurs arcades sourciliaires
sont fortement tirées vers le haut, surtout dans la moitié externe. Tout
le monde sait jusqu’à quel point ils sont prodigues de couleurs. Toutes
les parties de leurs édifices en sont couvertes; les colonnes, les enta-
blemens, les frises, tout est peint en vert, en bleu, en rouge, en
jaune; ils peignent jusqu’à leurs statues ; ils,surpassent toutes les nations
de l’Europe dans l’art de la teinture.
Suivant le différent degré d’activité des organes du sens des localités,
du sens des arts, du sens des couleurs, le goût de ceux qui font
des collections d’objets d’art, ou qui s’érigent en critiques, doit se
modifier diversement. Jean Fuesli a écrit un journal des arts où, en jugeant
les ouvrages, il faitpreuve d’un sens des arts exquis,mais d’un sens
des couleurs très-défectueux. Il y a d’autres critiques à qui il n’échappe
rien de ce qui a rapport au coloris, mais qui ne font nulle attention à
une composition vicieuse, à un dessin incorrect jusqu’à révolter l’oeil,
à une expression manquée, ou absolument fausse.
L ’on a de tout temps été frappé de la différence qui existe entre le
sens des arts et le sens des couleurs. Comment se fait-il donc que l'on
n’ait pas conclu de cette différence , que chacune de ces facultés doit se
fonder sur un organe particulier et propre? Cela provient, ou bien de
ce que peu d’hommes seulement remontent de l’effet jusqu’à la cause,
ou bien de ce que, faute de connoissances plus exactes, on se contente
d’une explication insuffisante, pourvu qu’ellesoit généralement adoptée.
XVII. Sens des rapports des tons, talent de la musique.
Pourquoi chercher dans le cerveau un organe pour la musique? Pour
être apte à la musique, il ne faut que de l’oreille ; tout de talent du
musicien gît dans l’oreille : voilà ce que dit la multitude, voilà ce que
disent les physiologistes.
Dans ma section sur les fonctions des cinq sens, j’ai réfuté ce préjugé,
et là j’ai assigné sa sphère d’activité à l’oreille ainsi qu’à l’oeil. Comme
je ne puis pas supposer que toutes les personnes qui liront ce volume,
qui traite des organes en particulier, ont lu également le premier volume
de mon ouvrage, je vais répéter ici ce que j’y ai dit contre
l’opinion de ceux qui prétendent que pour être musicien il ne faut
que de Y oreille-, par ce moyen, 011 trouvera ici rassemblées toutes
les preuves en faveur de l’existence d’un organe de la musique.
11 est un grand nombre d’animaux doués d’une oreille plus fine que
l ’homme, qui cependant ne témoignent pas la moindre réceptivité pour
la musique. On connoît des oiseaux qui ne chantent pas , doués d’une
oreille aussi fine que les oiseaux chanteurs. Dans les espèces des oiseaux
chanteurs, la femelle, privée de la faculté de chanter, est douée des
mêmes organes auditifs, et d’une oreille aussi fine que celle du mâle.
Certains naturalistes ne veulent pas du tout entendre parler du chant
des oiseaux. Le chant des oiseaux, disent-ils, n’a pas plus d’analogie
avec la musique que le hennissement des chevaux. Il n’y aquel homme,
doué d’une oreille acoustique, qui soit capable de sentir les conson-
nances et les dissonnances. Cette faculté, continuent-ils, tient à un instrument
particulier appelé limaçon , dont l’homme seul est doué et
dont tous les autres animaux sont privés.
Il est indubitable que beaucoup d’animaux ont l ’oreille plus fine que
l ’homme, et que les organes auditifs chez eux sont plus parfaits que
dans notre espèce; c’est ce que j’ai prouvé en traitant du sens de l ’ouïe.
Là , j’ai montré aussi que d’autres mammifères sont doués d un limaçon
plus parfait que celui de l’homme. Dans mes leçons, j’ai l’habitude
de montrer à mes auditeurs le limaçon du boeuf, du chien du
chat, etc.
Ce qui montre bien cette erreur dans toute sa nudité, c’est la circonstance
que les oiseaux en général, et les oiseaux chanteurs en particu