
et le reflux de l’Océan présentera l’histoire des affaires humaines.
Les.philosophes se sont toujours prévalus de l’uniformité des actions
des animaux, pour prouver la perfectibilité indéfinie de notre espèce;
Mais aussi l’ensemble des dispositions, et par conséquent des actions
principales des hommes, se ressemble partout. Les peuples les plus
séparés par la distance des siècles et des lieux, se réunissent dans leurs
intérêts et dans leurs institutions. On se fait illusion lorsqu’on regarde
nos maximes d’aujourd’hui comme des résultats d’une réflexion et d’une
expérience nouvelles. La morale de Pythagore, celle de Socrate et celle
du fondateur du Christianisme, sont également fondées sur le sentiment
delà bienveillance et le bien de la société. Les nations sauvages
nous ont offert même de parfaits modèles de nos institutions civiles et
politiques. Au temps des premiers établissemens des Européens dans
l ’Amérique, six des nations de l ’Amérique septentrionale s’étoientliguées;
elles avoient leurs états-généraux. La stabilité de leur union
et la sagesse de leur conduite leur avoient acquis l’ascendant sur tout
ce qui habite depuis l’embouchure du fleuve Saint-Laurent jusqu’à celle
du Mississipi. Elles firent voir quelles entendoientaussi bien les intérêts
de la confédération que les intérêts des nations séparées; elles s’étudièrent
à maintenir entre elles un équilibre. Le représentant d’une contrée
épioit les desseins et les démarches des autres, et ne manquait aucune
occasion d'augmenter l’influence de sa tribu. Elles avoient des alliances ,
des traités, et, comme les nations européennes, elles les respectoient
ou les violoient par la raison d’état ; le sentiment de la nécessité ou les
considérations d’utilité les maintenoient en paix; la jalousie ou tout
autre sujet de rupture, leur faisoit reprendre les armes. Ainsi, sans
aucune forme fixe de gouvernement, et par un effet auquel l ’instinct
a plus de part que la raison, elles se conduisoient selon les mêmes
maximes que nos gouvernemens modernes. Il en résulte , ce que tous
les observateurs du genre humain ont reconnu, que l’histoire de toutes
les nations; depuis leur état sauvage jurqu’au plus haut degré de
civilisation, est absolument la mêiqe.
Lprsqu’enfin je vois que le plus grand nombre des peuples dédaignent
les arts et les sciences, et qu’avec toute l ’arrogance de l’ostentation et
du pouvoir, toutes leurs facultés s’usent dans l’industrie commerciale
et dans lés jouissances sensuelles; lorsque j’observe que la pente des
hommes vers la paresse et vers les idées matérielles, est générale, et
que leur aversion pour toute contention d’esprit, pour toute innovation
, est invincible ; lorsqu’en traversant les peuples soi-disant les plus
civilisés, je rencontre à tout moment des provinces entières encore
plongées dans la barbarie, et que je vois que ces mêmes hommes ne
supportent pas seulement avec indifférence la condition la plus vile de
leur existence, mais que même ils se révoltent contre quiconque leur
fait entrevoir un sort plus digne de l’humanité ; lorsque l’histoire nous
apprend que bientôt les nations les plus élevées se lassent de leurs efforts,
et qu’après quelques siècles de'lumières,-soit par leur propre
ineptie , soit parla jalousie de leurs voisins, elles se trouvent replongées
dans l’ignorance et la barbarie: qui, après de pareilles réflexions,
m’empêchera de soutenir que la perfectibilité morale de l’espèce humaine
est confinée dans les limites de son organisation?
Quel est le monde de Vhomme et des diverses espèces
d'animaux ?
L ’histoire naturelle des instincts, des aptitudes industrielles , des
penchans et des facultés, et la démonstration de leurs organes, entraînent
nécessairement la conséquence que le monde moral et intellectuel
de l ’homme et des animaux commence là où le cerveau commence,
et qu’il finit là où le cerveau finit. Les considérations suivantes
éleveront cette assertion au rang d’une vérité incontestable.
Les corps inanimés ne sont avertis par rien de leur existence. Ils n’ont
pas de moi ; rien ne leur dit qu’ils sont des individus indépendans
des’autres êtres; eux seijls, multipliés à l’infini, ne conslitueroient
qu’une nature absolument morte.
La vie , le moi, l ’existence sentie du monde, commence avec la
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