
De la raison et de la volonté, du libre arbitre.
La raison,la volonté et le libre arbitre ont-ils des organes particuliers?
La raison est pour l’intellect ou l’entendement, ce que la volonté est
pour les penchans. Je m’explique.
Dans la section sur les dispositions innées, j’ai expliqué la différence
qui existe entre penchant, volonté et liberté Désir, penchant,
passion, sont les différens degrés d’activité de chaque force fondamentale.
Souvent l’homme n’est pas le maître d’empêcher que l’un de ses
organes n’agisse avec violence; dans ce cas, le désir, le penchant,
la passion, qui résultent de cette action, sont involontaires ; c’est
de là que naissent pour l’homme les tentations; ce sont la les premières
conditions du vice et de la vertu. Je dis que les désirs, les
penchans et les passions , sont les premières conditions du vice et de
la vertu; car tant que nous ne faisons que désirer, nous ne méritons
ni châtiment ni récompense. La plupart du temps, les animaux n’ont
que des désirs sans volonté. L’homme se trouve dans le même cas lorsqu’il
est idiot ou maniaque, ou lorsque ses organes ont une activité
extraordinaire. Ce n’est que lorsqu’il y a volonté que nos actions revêtent
le caractère d’actions moralement libres ; qu’il y a mérite ou culpabilité.
Ce n’est point l’impulsion résultant de l’activité d’un seul organe,
ou , comme disent les auteurs , le sentiment du désir, qui constitue la
volonté. Afin que l’homme ne se borne pas à désirer; pour qu’il veuille,
il faut le concours de l’action de plusieurs facultés intellectuelles supérieures.
Il faut que les motifs soient pesés, comparés et jugés. La décision
résultant de cette opération s’appelle la volonté.
11 y a autant d’espèces de désirs, de penchans et de passions qu’il
î Vol. I l, p. g7, de la Liberté morale.
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existe de forces fondamentales. La volonté est une. Les désirs, les
penchans et les passions sont le résultat de l ’action des forces fondamentales
isolées; la volonté est le résultat de l ’action simultanée
des forces intellectuelles supérieures; elle suppose l ’attention, la
réflexion, la comparaison et le jugement. La volonté est souvent en
opposition directe ayec les désirs, les penchans et les passions. Circonstances
d’ailleurs égales,les désirs et les passions auront le dessus
dans l’homme grossier; la volonté triomphera dans l’homme cultivé.
La brute, l’homme violemment agité, l’idiot, le maniaque, ont des
désirs et des passions ardentes, et presque pas de volonté. Les actions
de l’individu qui n’écoute que ses désirs et ses passions, sont faciles à
prévoir et à calculer, pour peu que l’on connoisse son organisation.
Les déterminations de la volonté, au contraire, ne peuvent être pré
vues avec quelque vraisemblance que par l’examen approfondi de la
somme et de la nature des motifs que fournissent , en partie
l’organisation et en partie le monde extérieur , les convenances,
la morale, la religion, la législation, l’ordre social et le bien de la
société.
Ces observations suffiront pour établir la différence qui existe entre
les désirs, les penchans, les passions et la volonté ou la liberté; et
pour faire comprendre au lecteur qu’il ne peut pas exister d’organe particulier
de la volonté ou du libre arbitre.
Il peut exister tout aussi peu un organe particulier de la raison.
Toute faculté fondamentale accompagnée d’une notion claire de son
existence, de réflexion, est intellect ou intelligence. Chaque intelligence
individuelle a doncson organe propre ; mais la raison suppose une action
concertée des facultés supérieures. C’est le jugement prononcé par les
facultés intellectuelles supérieures. Une faculté intellectuelle supérieure
seule ne constitueroitpas non plus laraison. La raison est le complément,
le résultat de l’action simultanée de toutes les facultés intellectuelles.
C’est par la raison que l’homme se distingue de la brute; l’intellect
lui est souvent commun jusqu’à un certain point. Il y a beaucoup
d’hommes intelligens, il n’y en a que peu de raisonnables. La nature