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l’homme; et l’homme n’ayant pas plus reçu d’organe pour concevoir le
fini et l’infini des mondes, la durée éternelle ou le commencement
des choses, que pour approfondir l’essence de Dieu, est condamné à
l'ignorance absolue de ces mystères.
Et ces hommes qui ont la présomption de s’assimiler, pour ainsi
dire, à la Divinité, de saisir et d’expliquer les lois qui gouvernent
l ’univers; et ces hommes qui, avec une glorieuse jactance, croient
pouvoir se dispenser d’admettre la nécessité d’une intelligene suprême
et indépendante : que ces hommes se rappellent que toutes les
conditions matérielles de leurs connoissances sont resserrées dans une
circonférence de tout au plus vingt-deux pouces.
D’un autre côté, qu’on récapitule les aptitudes industrielles , les
instincts , les penchans, les sentimens et les facultés qui, depuis l’insecte
jusqu’à l ’homme, caractérisent et diversifient l’immense multitude
des êtres sensibles , et l’on se prosternera, pénétré d’adoration,
devant le Créateur qui a su transformer si peu d’étoffe en
instrumens de puissances si nombreuses et si sublimes. Faudra-t-il
alors jeter la pierre au physiologiste qui, dans son etonnement, s ecne :
Dieu et cerveau , rien que Dieu et cerveau!
Précepte moral résultant de la physiologie du cerveau.
Le monde, autant que la connoissance en est acquise par les sens
extérieurs, doit nécessairement être modifié de manières aussi nombreuses
que sont modifiés les sens eux-mêmes. Le loup flaire autrement
que le mouton ; les yeux du hibou sont autrement frappés de la
lumière que les yeux de l’aigle. Que le loup, le mouton, le hibou
et l ’aigle portent un jugement sur la nature des émanations et de la
lumière, leurs jugemens, quoique très-différens, seront également
vrais, puisqu’ils seront tous conformes à la sensation produite dans
chacun par la lumière et par les émanations.
Mais les sens et leurs fonctions non-seulement sont autrement mon
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difiés dans une espèce que dans l’autre; dans la même espèce, ils
sont autrement modifiés dans un individu que dans l’autre. Le mets
qui est une friandise pour vous, répugne à mon palais. Votre pot
pourri est une horreur pour moi. Cependant personne ne se croit
autorisé de blâmer l’un ou l ’autre pour cause de différence de nos
goûts.
Il y a bien plus de raisons de nous pardonner la diversité et souvent
l ’opposition de nos penchans, de nos sentimens et de nos facultés.
Quelle immense variété dans le développement, dans l’excitabilité»
dans les proportions réciproques de nos organes cérébraux ? Chaque
individu considéré en lui-même, c’est-à-dire indépendamment des influences
extérieures, est donc empreint d’un caractère propre, moral
et intellectuel; et mis en contact avec le monde extérieur, il en
reçoit des impressions, des sensations propres. Par conséquent les
penchans de chaque individu, ses sentimens, ses jugemens et les actions
qui en résultent, doivent différer des penchans, des sentimens,
des jugemens et des actions dun autre individu. C’est pourquoi tout
le monde trouve, avec raison, la critique des autres injuste; et l ’on
exerce une violence contre le droit naturel, en exigeant que les penchans,
les facultés ,les jugemens et les actions des autres s’accordent
avec notre manière de voir. Chacun a le droit de son moi ; et
une tolérance illimitée, pour tout ce qui ne trouble point l ’ordre de
la société, etc., etc., est le premier devoir, le plus sacré, le plus philosophique.
Voilà donc; encore une preuve, que celui qui découvre et professe
de nouvelles vérités physiques , ne doit pas craindre de tomber en contradiction
avec les vérités morales.
Conclusion et Revue sommaire.
Il est donc enfin terminé cet ouvrage que, depuis quinze ans, le public
savant attendoit avec impatience. J’aurois voulu différer encore plus